JO 2024. Carte blanche à Pierre-Michel Bonnot : « Sports de base. »

Septième des cartes blanches offertes à un écrivain et publiées dans L'Édition des Jeux, notre magazine 100 % numérique consacré aux Jeux olympiques : Pierre-Michel Bonnot.

Dans le cadre des Jeux olympiques de Paris 2024, Ouest-France a demandé à des auteurs renommés de rédiger une carte blanche sur les Jeux olympiques, chroniques publiées dans notre magazine numérique spécial Jeux olympiques : « L'Édition des Jeux. » L'écrivain journaliste Pierre-Michel Bonnot nous a adressé cette chronique.

« On l'avait trouvé la tête en bas, posée au milieu d'un fatras de babioles de peu dans une brocante des fins fonds du Gatinais. On avait demandé son prix : "Le presse-purée, là ? C'est 200 balles ! "

200 balles en francs Chirac, c'était pour rien le flambeau des jeux de Londres 1948 ! Il faut dire qu'il y avait de quoi se gourer d'un zéro. L'objet de pauvre fer-blanc racontait des pénuries d'immédiate après-guerre fort éloignées de l'idée qu'on se fait de l'opulence olympienne. Et puis comment imaginer une telle relique dans un tel endroit ? N'importe. Depuis on ne peut plus voir passer une torche olympique, sans se demander de quoi son avenir sera fait.

Rassurez-vous ça ne gâche pas le plaisir. On a même trouvé que ce trottinant tour de France urbi et orbi était le premier trait d'union concret entre le pays et l'événement. Du joyeux ban bourguignon du chapitre de Clos Vougeot au poignant hommage aux victimes du Bataclan, des douceurs de l'île Aux Moines au centre spatial de Kourou, rien de ce qui fait l'image de la France, un poil aseptisée certes, mais franchement choucarde, n'a été oublié.

Rien sauf la base

C'est que le frisson de la cérémonie d'ouverture passera, l'euphorie des premiers jours aussi, viendra l'heure de se pencher sur le tableau des médailles, cet implacable bulletin récapitulatif de l'éclat sportif des nations. C'est là, quand on réalisera qu'on est déjà à la traîne de ces prétentieux d'anglais, et que la Flamme aurait dû faire quelques crochets par ces bases de loisir ou se forge toujours pour de bon le muscle de la victoire !

On aura rêvé de razzias dans les sports réputés nobles avant de réaliser que, vu la tête de la pratique athlétique à l'école et à l'université, ça ne sera ni pour cette fois. Ni pour les prochaines. Et, comme toujours, on se consolera avec les reines d'un jour du canoé, du tir à l'arc, du skateboard et même du golf (si, si), toutes pratiques ordinaires de ces populaires bases de loisirs justement lancées après le fiasco de Rome 1960 (5 médailles, 25e nation) par le Général.

On se souvient au dernier jour des JO de Pékin avoir traqué la médaille qui éviterait à la France éternelle de terminer au général derrière la Jamaïque et au secrétaire des sports Laporte de s'arracher ses derniers cheveux à la pince à épiler. Jean Christophe Perraud avait sauvé l'affaire à VTT Mais, sitôt médaillé, sitôt oublié. Car son nom ne vous dit rien, bien sûr ! Et c'est bien ce qu'on vous reproche, cette espèce de scrupule à admettre que la France est un surtout grand pays de « petits sports » et que leurs champions méritent d'être glorifiés à l'égal des autres.

Parce qu'ils sont la France sportive même. Celle qui, reconnaissons-nous, se lasse vite de courir après rien dans un décor monocorde de tartan ou de faïence de piscine. Celle qui a besoin d'un ballon, d'un vélo, d'un arc pour accrocher un rien de fantaisie à un horizon tout aussi ambitieux et méritant que celui des réputés Dieux du stade.

Celle de champions dont les jeux sont l'unique objectif et qui y sont bien plus à leur place que Djokovic, McIlroy ou Dupont. Et qui vont nous permettre de sauver à nouveau la face de la médaille à l'heure du décompte final. »

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