JO 2024. Carte blanche à Pierre-Louis Basse : « Les Jeux ont la mémoire longue. »

Troisième des cartes blanches offertes à un écrivain et publiées dans L'Édition des Jeux, notre magazine 100 % numérique consacré aux Jeux olympiques : Pierre-Louis Basse.

Dans le cadre des Jeux olympiques de Paris 2024, Ouest-France a demandé à des auteurs renommés de rédiger une carte blanche sur les Jeux olympiques, chroniques publiées dans notre magazine numérique spécial Jeux olympiques : « L'Édition des Jeux. » L'écrivain journaliste Pierre-Louis Basse, nous a adressé cette chronique.

« Tout a commencé il y a vingt-cinq siècles.

Cher lecteur, on ne plaisante pas avec une offrande faite aux Dieux de l'Olympe. D'autant qu'en – 776, les gestes de sport ressemblaient comme deux gouttes d'eau, à ceux d'aujourd'hui. Il suffit de jeter un œil sur les discoboles ou les coureurs de marathon : Le temps n'existe pas.

C'est bien nous qui passons à travers lui. Et comme nous sommes de passage, autant vivre des évènements qui créent de l'amour, du désir, de l'impatience.

Oui, mettons de côté tout ce que les hommes ont créé de gigantisme et d'injustice à grands coups de dollars. Et saluons la merveilleuse mémoire des Jeux. Elle traverse tant d'histoires, d'aventures, d'exploits, lesquels ont souvent rythmé le sommeil de notre enfance. Et puisque cette ruée vers l'or ne revient que tous les quatre ans, faisons la part belle à cette mémoire. Elle nous protège de la banalité, et d'une massification qui effacent la beauté des rendez-vous de sport.

Les Jeux olympiques ressemblent aux courses de relais, en clôture des Jeux. En famille, les anciens transmettent aux plus jeunes et ainsi de suite. La mémoire résiste à toutes sortes d'effacements. Elle ne connaît pas l'empressement des évènements qui se bousculent.

Ainsi, Colette Besson, championne Olympique du 400 mètres à Mexico en 1968, porte-t-elle sur ses jolies épaules, bien davantage qu'une simple médaille d'or. Elle sort du virage et entraîne dans sa foulée toute mon enfance brutalement remontée à la surface du réel. L'image est ancienne, en noir et blanc ; elle témoigne d'une époque où l'on venait me tirer du sommeil pour regarder les épreuves venues de Mexico. Les Jeux, c'était la promesse du jour en pleine nuit. Décalage horaire oblige. C'est la beauté des Jeux : l'air de rien, le message des dieux qui nous regardent se posera sur d'autres enfances. Il faudrait parler de l'émerveillement des gamins de 10 ans, découvrant la foulée du bolide venu de la Jamaïque, Usain Bolt…

Les aventures chevauchent les années. On s'en souviendra comme d'un tube d'été à fredonner toute une vie.

Parfois même, la vie vous donne rendez-vous avec quelques-uns de ces champions ! Il ne faudrait pas arriver en retard, dans les tribunes, le jour d'une finale olympique. Toujours cette mémoire qui nous tient ; nous chavire bien des années plus tard. C'est ainsi que je me souviens de la victoire de Marie-José Pérec en 1992, aux Jeux de Barcelone. Je commentais la course à la radio comme si ma vie future en dépendait. Et lorsque la gazelle a levé les bras, comme seule au monde dans cette ligne droite, je compris dans l'instant même que la course ne quitterait plus jamais ma propre mémoire.

C'était il y a trente-deux ans. C'était hier. »

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