JO 2024. Carte blanche à Denis Gombert : « Mais quel homme ! »

Sixième des cartes blanches offertes à un écrivain et publiées dans L'Édition des Jeux, notre magazine 100 % numérique consacré aux Jeux olympiques : Denis Gombert.

Dans le cadre des Jeux olympiques de Paris 2024, Ouest-France a demandé à des auteurs renommés de rédiger une carte blanche sur les Jeux olympiques, chroniques publiées dans notre magazine numérique spécial Jeux olympiques : « L'Édition des Jeux. » L'écrivain Denis Gombert nous a adressé cette chronique.

« À l'heure où vont se déployer sur piste, lutter sur tatami, s'abattre sur l'eau et s'élancer dans les airs les meilleurs athlètes des cinq continents, rendons hommage au plus fameux de tous les temps, un certain Milon de Crotone.

Dès son plus jeune âge, à Crotone, cité de la Grande Grèce qui correspond aujourd'hui au sud de la péninsule italienne, Milon évolue dans un environnement peuplé d'athlètes qui font depuis un siècle la fierté de sa cité.

Nous sommes au VIe siècle avant J.-C. Les Jeux olympiques forment un cycle de jeux sacrés où les grandes cités s'affrontent entre elles. Milon est doué pour tous les sports : la course, le saut, le lancer de javelot, le combat mais c'est dans la pratique de la lutte qu'il va s'illustrer dès l'âge de 14 ans et régner sans partage sur sa discipline durant vingt ans. À part son brillant palmarès, on sait peu de choses sur lui. Un fragment de statue découvert à Olympie doublé d'un épigramme de Simonide, constituent la seule matière de sources contemporaines.

Après, c'est la légende qui prend le pas sur l'histoire. Réputé imbattable, doté d'une force colossale, il aurait déraciné un arbre à la force des bras, assommé un taureau à coups de poings (comme Héraclès tuant un lion de ses propres mains ; en serait-il le fils caché ?), mangé une vache en une journée et porté sur son dos sa propre statue haute de 6 mètres.

« Le plus célèbre des athlètes » pour Strabon (Ier siècle après J.-C.) ; « le plus célèbre et le plus fort », affirme encore onze siècles plus tard Eustathe de Thessalonique. Jusqu'à l'époque impériale, l'empreinte de sa gloire sportive est restée vive tant dans la mémoire des Grecs que chez les Latins. Plus tard, Rabelais, Shakespeare, Dumas ont prolongé le récit, le citant abondamment. Milon était encore un chef de guerre redouté, terrassant des soldats de Sybaris. Il était aussi adepte de la secte des Pythagoriciens. C'est lui qui épousa tout bonnement la fille de Pythagore.

Mais quel homme ce Milon !

Pourtant Milon connut un destin funeste. Est-ce les dieux qui ont voulu se venger de ses insolentes facultés ? Et l'ont puni. Quand la légende achoppe au mythe. On raconte qu'un jour, voyageant à travers l'Italie, il se mit en tête de fendre l'écorce avec les mains d'un chêne abattu. Mais l'arbre retint les mains de Milon en étau. Pour la première fois de sa vie, il subissait la loi de nature. Retenu prisonnier tout au long de la nuit, il fut retrouvé au matin dévoré par les loups.»

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