ENTRETIEN. Handicap : « Les Jeux de Paris 2024 vont révolutionner notre regard »

Pour Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées, et pour l'athlète Philippe Croizon, l'image du handicap dans notre société va évoluer comme jamais grâce aux Jeux olympiques et paralympiques. Ils le disent à deux voix à dimanche Ouest-France.

La France accueillera les Jeux olympiques d'été du vendredi 26 juillet au dimanche 11 août ; puis les Jeux paralympiques d'été du mercredi 28 août au dimanche 8 septembre. Jamais les dates des deux évènements n'ont été aussi rapprochées.

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Le gouvernement compte sur ce double évènement mondial pour convaincre les Français de faire plus de sport et pour changer leur regard sur le handicap. Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées, et Philippe Croizon, athlète, chroniqueur, conférencier et entrepreneur, livrent leur vision croisée des enjeux des « JOP » dans un entretien croisé accordé à Ouest-France.

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En quoi les Jeux olympiques et paralympiques (les « JOP ») peuvent-ils contribuer à changer l'image du handicap dans notre société ?

Philippe Croizon : J'ai eu mon accident il y a trente ans. À l'époque, l'image du handicap, c'était encore Cosette et Thénardier, en mode « Ah, les pauvres, qu'est-ce qu'on en fait ? » La tristesse totale ! Franchement, je trouve que le regard de la société sur le handicap a vraiment évolué dans le bon sens depuis.

Grâce à quoi ?

Philippe Croizon : La loi de 2005 (égalité des droits des personnes handicapées), c'est la première chose qui a vraiment fait bouger les lignes, même si elle a été très mal comprise au début. Et surtout très mal vendue. La deuxième chose, c'est Londres 2012. Les Jeux paralympiques, formidables cette année-là, ont soufflé le monde entier. Il a fallu tirer l'oreille de France Télévisions pour que les chaînes publiques acceptent de les diffuser en France, où ils ont fait un carton d'audience. Il s'est vraiment passé quelque chose. C'est là que le regard a changé. Regardez le succès de la série Vestiaires. La moindre fiction télévisée, le moindre film de cinéma qui aborde la question du handicap bat des records aujourd'hui. Et vous allez voir, Paris 2024 va nous mettre une deuxième claque, j'en suis persuadé !

Fadila Khattabi : Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la vie des personnes handicapées, notamment en matière d'accessibilité. Leurs droits et leurs choix de vie doivent être respectés, ce sont des citoyens à part entière et pas particulièrement à part. Même s'il y a des progrès, même si le regard change, nous devons accélérer pour que notre société soit plus juste. Puisqu'on parle d'image, sachez que seulement 1 % des personnes visibles dans les médias sont handicapées. On doit faire beaucoup mieux ! Si on veut changer durablement les choses, ça passe aussi par là. La bonne nouvelle, c'est que, comme Philippe, dont je partage l'optimisme, je suis persuadée que les Jeux vont formidablement nous aider !

Pourquoi dites-vous que la loi de 2005 a été « très mal vendue » ?

Philippe Croizon : Parce qu'on a mis la loi handicap et la loi accessibilité dans le même paquet. Les petits commerçants ou les entreprises qui ont dû rendre leurs établissements accessibles ne se sont pas dit que c'était « grâce » à la loi de 2005 mais « à cause » d'elle. Ce progrès a été vécu comme une contrainte, c'était totalement contreproductif. Tout comme le fait de nous inscrire en permanence dans la revendication, pendant des années. C'est paradoxal, mais je pense que ça a également contribué à entretenir une mauvaise image du handicap.

Est-ce qu'on parle suffisamment des Jeux paralympiques, à ce stade ?

Philippe Croizon : Honnêtement, pas assez. On va dire que ça s'intensifie vraiment depuis deux semaines. Et il faut voir comment les médias nous présentent les JO en ce moment. On ne parle que de mesures de sécurité, de problèmes de circulation et d'hébergement… Il ne faut pas faire peur aux gens, alors que tout sera fluide. J'étais à Londres en 2012, tout le monde gueulait avant que les Jeux ne démarrent, c'était un truc de fou, un bordel pas possible. À Rio, pareil. Et c'est normal. On appréhende. Mais une fois que la manifestation démarre, dès que les premiers résultats sportifs tombent, la ferveur est là et c'est parti ! Paris 2024, ce sera ...

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