ENTRETIEN. JO 2024 : « Quand j'ai vu les salaires de la direction de Paris 2024, j'étais effarée »

Jeudi 28 mars, l'émission « Complément d'enquête » a mis en lumière les salaires élevés des hauts dirigeants des Jeux de Paris 2024, alors que la massa salariale totale est de 584,8 millions d'euros. À l'origine de ces révélations, la députée d'Ille-et-Vilaine Claudia Rouaux (PS). Celle-ci se dit « effarée » par ces rémunérations.

Alors que la rémunération de Tony Estanguet faisait déjà l'objet d'une enquête, ce sont désormais les salaires des hauts dirigeants de Paris 2024 qui font l'actualité. Jeudi 28 mars, l'émission Complément d'enquête a révélé que la masse salariale totale des JO s'élevait à 584,8 millions d'euros (depuis 2017), un chiffre supérieur de 115 millions d'euros à la somme annoncée dans le dossier de candidature.

Dans le détail, les salaires annuels sont de 153 000 € brut pour 13 directeurs, plus de 200 000 € pour 8 directeurs exécutifs et 260 000 € pour le directeur général. Le total des cinq rémunérations les plus élevées s'élève à 2,2 millions d'euros.

À l'origine de ces révélations, la députée d'Ille-et-Vilaine Claudia Rouaux (PS), membre du Comité des rémunérations (Corem) de Paris 2024. Celle-ci a eu accès aux salaires des membres du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop). Et, malgré les justifications de Paris 2024 mercredi, elle affirme que ces chiffres « ne sont pas acceptables ».

Pourquoi avoir choisi de révéler la rémunération des dirigeants de Paris 2024 ?

À ma première réunion du Corem, en novembre 2023, quand j'ai vu les chiffres, les augmentations de salaires et les salaires du personnel de direction, j'étais effarée. Je ne m'en suis toujours pas remise, d'ailleurs. Au début, je ne disais rien, tout le monde avait l'air de trouver ça normal. À un moment donné, je leur ai dit : « Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de nous proposer ? » J'ai cité l'augmentation de 45 000 € sur un salaire de 150 000 €. On m'a répondu : « Oui, mais c'est toujours la même chose. » Je leur ai dit : « Mais vous vous rendez compte ? Les gens se battent pour vivre aujourd'hui. On a du mal à leur donner deux points pour le Smic. Et vous augmentez comme ça ? »

« C'est de l'entre-soi »

En avez-vous parlé autour de vous ?

J'en ai parlé à mes collaborateurs, ma famille, mes amis, des sportifs aussi. Et tous m'ont dit : « Il faut que tu dénonces ça. Ce n'est pas acceptable. » Je ne pouvais pas le garder sur le cœur.

Comment est géré le Corem ?

C'est un Comité des rémunérations qui se dit indépendant. Mais il est sous le contrôle du Cojop. Là, c'est de l'entre-soi. Ils se nomment entre eux. Et on ne vote pas, en fait. On nous soumet les décisions du Corem. Moi, j'ai dit que j'étais opposée. Mais j'étais toute seule.

Paris 2024 se défend en expliquant que Tony Estanguet (270 000 € brut par an) est moins payé que le président des Jeux de 2012, Sebastian Coe (plus de 400 000 € par an selon France 2).

On s'adosse sur l'Angleterre, sur le libéralisme. Sauf que Tony Estanguet avait aussi dit en 2017 qu'il voulait faire les Jeux les plus exemplaires possibles. On est bien loin du compte.

Vous mettez aussi en cause le salaire des autres dirigeants…

Ils ont eu des préconisations de la Cour des comptes, qui leur disait que leur salaire était beaucoup trop élevé par rapport au marché. Ceux qui ont plus profité du Cojop, ce sont tous les cadres A (la catégorie la plus élevée). Jusqu'en 2023, il y avait 1 000 cadres A.

« Estanguet, c'est un peu l'arbre qui cache sa forêt »

Aurait-il fallu donner une vraie indépendance au Corem pour éviter ces dérives ?

Ça, ou alors tout simplement donner des vrais pouvoirs à la Cour des comptes. Elle peut simplement faire des préconisations. On sera sans doute à 130 millions d'euros d'excédent. Imaginez, environ 600 millions d'euros de salaires sur 4,4 milliards. C'est quand même énorme. Et pour peu de personnes, en fait.

Tony Estanguet a justifié les hausses récentes de salaires par le rétablissement de l'égalité salariale hommes-femmes.

Il voit ça à huit mois des JO. C'était dès le départ qu'il fallait ajuster leur salaire à celui des hommes et pas prétexter tout d'un coup. Il y a aussi eu des augmentations des autres directeurs. Estanguet, c'est un peu l'arbre qui cache sa forêt. Derrière, ils sont tous à s'en mettre plein les poches.

À la suite de la diffusion du reportage, quelles ont été les réactions sur votre témoignage ?

Les gens de tous bords politiques me disent : « C'est bien, il faut dénoncer des choses comme ça. » Je sais bien que c'est une goutt...

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