Maxime Livio : « Je ne conçois pas de faire ce métier en m'investissant à moitié »
Hier à 11:52 AM
Ce week-end, le complétiste Maxime Livio a annoncé dans un communiqué marquer une pause dans sa carrière sportive. Cavalier de haut niveau depuis plus de dix ans, avec plusieurs sélections en équipe de France, il est également un entraîneur reconnu, comme en témoigne son travail de longue date avec la Fédération Thaïlandaise. Une pause sportive oui, mais l'occasion de développer de nouveaux aspects de sa vie. Il nous en dit plus sur son choix et ses projets à venir.
Vous avez annoncé faire une pause dans votre carrière sportive. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
Ça fait déjà deux-trois ans que j'y pense assez sérieusement. Je sens que l'excitation et le plaisir de faire ce métier et ce sport- est un peu différente. La chance d'avoir les Jeux à Paris nous a fait remettre une pièce dans le système pour essayer de pouvoir y prétendre. Et c'est vrai qu'une fois cette échéance passée, toutes les questions que j'avais sont revenues. Léon Marchand après les Jeux a eu plusieurs semaines sans nager avant de reprendre les entraînements. Nous on n'a jamais ça. Même quand il n'y a pas de concours. On s'occupe d'animaux, ce sont eux la priorité, eux qui rythment notre vie. Il n'y a jamais de pause.
Ça fait quinze ans que je fais du haut niveau et je ne conçois pas de faire ce métier en m'investissant à moitié. Je préfère prendre une décision comme ça, d'autant plus que rien ne m'empêche de reprendre parce que j'en aurais envie. Je ne voyais pas un autre moyen pour vraiment prendre du recul et me poser les bonnes questions sans aller jusqu'à une pause totale de la compétition.
« L'adrénaline du haut niveau je vais la vivre à travers eux, sans aucune frustration et avec beaucoup de plaisir »
Qu'est-ce qui va occuper votre quotidien maintenant ? Renforcer ce côté formation et coaching ?
Je vais être plus disponible pour tous les projets des élèves aux écuries. J'ai la chance d'avoir trois-quatre cavaliers qui ont touché ou qui vont toucher le très haut niveau à partir de l'année prochaine. L'adrénaline du haut niveau je vais la vivre à travers eux, sans aucune frustration et avec beaucoup de plaisir. Je serais très content d'avoir du temps à leur consacrer pour faire que les écuries deviennent un vrai centre d'entraînement qui accueille des cavaliers français ou étrangers pour les plus gros objectifs mondiaux dans les trois à quatre ans qui viennent.
Ça va être la majeure partie de mon travail. L'écurie Livio n'a jamais été l'écurie d'un cavalier, ça a toujours été ouvert et disponible à quiconque avait envie de profiter de l'infrastructure et du coaching. Il y a aussi Mathilde qui a très envie d'accélérer sa carrière. Et c'est quelque chose que j'ai envie de lui rendre aussi parce qu'elle a beaucoup fait ses choix en fonction de ma carrière. Si elle en a envie, c'est le moment qu'elle y aille à fond, que je prenne le relais sur d'autres choses comme notre vie de famille, ce dont j'ai très envie.
« Je trouvais ça bien de prioriser des projets avec mes élèves »
Vous avez annoncé il y a quelques jours la vente de trois chevaux. Comment se sont formés les couples ?
En tant qu'entraîneur, c'est vraiment une super opportunité de savoir comment sont les chevaux, quelles sont leurs qualités et s'ils peuvent correspondre à tel ou tel élève en vue de tel ou tel objectif. On a pris cette décision avec mes propriétaires. J'ai la chance d'avoir des chevaux qui sont en pleine santé, qui vont vraiment briller encore pendant deux, trois ou quatre saisons. Et je trouvais ça bien de prioriser des projets avec mes élèves parce que ça fait une continuité dans la relation que j'ai eu avec les chevaux. Certains vont même rester à la maison et c'est chouette de pouvoir faire comme cela au maximum. La Fédération thaïlandaise a acheté deux chevaux pour Nat, Carouzo Bois Marotin pour le complet et Dragon de Hus dans l'idée de venir aider l'équipe thaïlandaise aux prochains Jeux asiatiques.
« Il y a plein d'options »
Api part aux Etats-Unis pour renforcer le piquet d'Alexa Thompson qui n'a qu'un cheval de haut niveau. Avoir un deuxième cheval expérimenté va vraiment l'aider à prendre plus de métier. Api est un cheval qui dresse très bien, c'est aussi ce dont elle a besoin pour progresser, d'autant qu'elle monte généralement des chevaux qui sont assez délicats en dressage. Il reste quelques chevaux dans mon piquet. On est encore en réflexion, notamment pour Enjoy. On a prévu de faire une journée aux écuries avec ses quatre propriétaires et de réfléchir ensemble à comment construire la suite de sa carrière. J'en ai encore quelques-uns comme ça. Les propriétaires peuvent décider de les vendre, mais on peut aussi décider de les confier à des cavaliers de l'écurie… il y a plein d'options.
Vous avez parlé plusieurs fois de l'avenir du complet, de l'intérêt des cross indoors ou encore des concours à l'heure du réchauffement climatique. Aimeriez-vous profiter de cette pause pour vous impliquer dans l'avenir du sport ?
Je pense qu'on est vraiment à un virage et qu'il faut prendre les bonnes directions. C'est sûr que quand on est en pleine carrière on n'a pas beaucoup de temps ni toute la liberté d'action qu'on voudrait. C'est sûr que ça va me permettre de faire des choses mais j'ai envie d'y aller progressivement. Le but c'est de faire redescendre la pression et le rythme de vie. Donc j'ai envie d'être progressif dans la charge de travail et de projets que je vais accepter.
« Dans ce métier, il y a toujours des rêves à cocher et il y en aura toujours des nouveaux qui arrivent »
Quel regard portez-vous sur vos quinze ans de haut niveau, avec ses hauts et ses bas ?
J'avais plein de rêves quand j'ai commencé. Ça paraissait très inaccessible au début et très difficile. Je suis très fier d'avoir réussi tout ce que j'ai réussi. Dans ce métier, il y a toujours des rêves à cocher et il y en aura toujours des nouveaux qui arrivent. C'est potentiellement sans fin. Je sais l'investissement qu'il faut mettre pour cocher certains des rêves et aujourd'hui je ne suis plus tout à fait prêt pour mettre tout ce que j'ai en moi dans ma tête, dans mon cœur et dans mon temps pour y arriver. C'est pour ça que j'ai pris cette décision.
Quand j'ai travaillé chez Nicolas Touzaint je me suis dit que c'était lui la référence. Puis après je me suis dit, c'est Michael Jung le numéro 1 mondial, qu'il gagne tout et que c'est lui qu'il fallait battre. J'ai d'ailleurs flirté avec la place de numéro 1 mondial quand lui la détenait. Tout ça, ce sont des grosses fiertés. Mais au-delà des performances, ce que je retiens ce sont vraiment les aventures avec les chevaux et avec les gens autour des chevaux.
« C'est vraiment une aventure qu'on partage »
C'est ça qui est assez magique dans ce métier, on trouve un cheval, on apprend à se connaître puis on greffe des gens autour de ce nouveau couple pour que ça dure et se donner toutes les chances d'aller au bout du talent du cheval et de faire comprendre à ce cheval ce pourquoi il est doué. Et quand après cinq ans de relation, on arrive à amener un cheval dans un top dix de 5* ou mieux, ce sont des parcours incroyables. J'ai quand même emmené sept-huit chevaux sur un top huit de 5*. C'est une vraie fierté quand je repense au parcours que j'ai eu avec les propriétaires, les grooms et les chevaux parce que c'est vraiment une aventure qu'on partage.