La croisade du cheval de race castillonnais

Voisin du cheval de mérens, le cheval castillonnais n'a pourtant que très tardivement été reconnu à l'échelle nationale, entraînant peu à peu un désintérêt pour l'élevage de cette race. Heureusement, quelques passionnés ont décidé de prendre les choses en main afin de redorer le blason de ce trait léger à la robe fumée.

« Je suis un spécialiste des causes perdues. Ce qui m'a donné envie de m'engager c'est l'injustice, le fait que ce cheval soit abandonné alors qu'il existait et qu'il avait le droit de s'épanouir. Il n'existait plus pour des raisons purement administratives, ce qui était ridicule. » C'est ainsi qu'Olivier Courthiade décrit son combat pour préserver et faire perdurer la race du cheval castillonnais, aussi appelé cheval de Castillon ou parfois cheval du Biros.

Replonger Aux origines du castillonnais

Si l'homme à l'âme de justicier s'est lancé un jour dans cette quête, c'est d'abord en travaillant pendant près de dix-neuf ans au stud-book du cheval de mérens, « en farfouillant dans les élevages, je trouvais des juments castillonnaises. C'est là que je me suis dit qu'il n'était pas possible que ces animaux s'éteignent et malgré le fait que les éleveurs n'y croyaient pas, je me suis retroussé les manches ». Nous sommes dans les années 70 et la population de base s'élevait à environ « cent vingt animaux complètement disséminés, caractérisés par un look commun qui est devenu un standard ». Aujourd'hui, l'ancien éleveur est un puits sans fond de connaissance sur ces chevaux et, après avoir écrit un livre sur le mérens, il projette de publier un ouvrage sur le castillonnais.

Pour comprendre l'évolution du cheval castillonnais au fil des décennies, il faut remonter le temps jusqu'à la Révolution. À ce moment, le département de l'Ariège que l'on connaît aujourd'hui doit l'origine de sa création à partir « d'un bout de Languedoc et d'un bout de Gascogne. L'Ariège est un triangle dont la base serait la chaîne des Pyrénées avec au milieu le fleuve Ariège. Les Ariégeois sont ceux qui habitent la vallée de l'Ariège, les autres sont des Couseranais », ajoute Olivier Courthiade. Le même département mais pas le même peuple !

Chevaux castillonnais en liberté. © DR/Laurent Levoyer

Une histoire de territoire

« De ce fait, il y a deux races de vaches, deux races de moutons et deux races de chevaux, le mérens du côté ariégeois et le castillonnais de l'autre côté. » Comme de nombreuses races, ses origines sont floues. Mais le castillonnais descendrait d'anciens chevaux représentés dans les grottes ariégeoises. Il aurait bien évidemment bénéficié de l'apport d'autres sangs, « forcément ibériques d'autant plus que le Haras national de Tarbes, qui a vu le jour en 1803 et qui est notre dépôt d'étalons, possédait au démarrage uniquement des étalons espagnols. J'ai aussi pu rencontrer des vétérinaires catalans qui essayent de faire renaître l'ancien trait catalan qui n'existe plus depuis des années. Le peu que j'ai vu de ces animaux ressemble étrangement au cheval de Castillon. »

Contrairement à son voisin direct, le cheval mérens, reconnu par le ministère de l'Agriculture en 1947, le castillonnais n'a obtenu la reconnaissance qu'en 1996. La création de l'association remonte quant à elle à 1992. La race a ainsi souffert, avant son regain d'intérêt, d'un certain mépris. « Les gens l'élevaient de moins en moins. Ce qui a sauvé les chevaux dans notre pays c'est la boucherie. Donc on a eu des chevaux qui s'alourdissaient de plus en plus. Mais heureusement, il y a toujours dans les troupeaux des gens qui, par sentimentalisme, gardaient une ou deux juments du pays », se souvient Olivier Courthiade.

« On est extrêmement attachés à conserver cette qualité »

Il s'est rapproché des Haras nationaux, afin de créer par la suite des concours de race. Après avoir recensé les animaux restants, il a fallu fonder un livre généalogique. L'association de race tient particulièrement à certaines caractéristiques majeures du castillonnais. Il y a tout d'abord sa robe, appelée aujourd'hui noir pangaré. Mais comme l'explique notre spécialiste, la pangarure s'applique aussi bien aux chevaux noirs qu'aux bais. « On essaye avec le ministère de l'Agriculture de faire reconnaître l'appellation bai pangaré. Au sein du studbook du castillonnais, on n'accepte pas les chevaux bais uniformes, même si ce fut le cas dans les débuts avec quelques juments baies venues renforcer les effectifs ».

Il se caractérise également par sa gentillesse et sa rusticité qui découlent d'une vie en liberté et en troupeau en montagne. « On est extrêmement attachés à conserver cette qualité, notamment par le biais d'un concours d'approbation où on voit les étalons montés. Je rêve d'avoir une épreuve attelée aussi. Ce serait le summum du test sur le caractère. Mais quand on a un ou deux candidats étalons par an on ne peut pas imposer ça », déplore le défenseur des castillonnais. Il espère tout de même pouvoir mettre en place dès l'année prochaine une épreuve de traction.

Le cheval castillonnais excelle aussi bien sous la selle qu'à l'attelage. © DR/Laurent Levoyer

Un cheval façonné pour l'extérieur

Le castillonnais est très certainement l'une des dernières races de trait léger en Europe. À l'origine, on utilisait très peu ces chevaux pour le travail dans les champs. On travaillait plutôt avec des bœufs et des vaches dans la région. « On utilisait les chevaux pour des activités beaucoup plus nobles que le labour ». Ainsi, leur côté « dense, avec suffisamment d'os et d'épaisseur » fait d'eux d'excellents chevaux pour la monte et l'attelage. Le castillonnais pouvait avoir plusieurs métiers : cheval de bât, de voiture attelée, mais aussi pour le travail de la vigne. L'armée a également acheté de nombreux chevaux de Castillon pour les chasseurs alpins, comme c'était le cas pour les mulets. Il faut dire que ce cheval au pied très sûr a été façonné par les montagnes, puisqu'il monte en estive chaque année lors d'une transhumance généralement organisée en juin.

S'il n'y a pas un gros effectif d'éleveurs dans sa région d'origine, l'association essaye de les regrouper pour pouvoir mettre en place un label montagne, « pour les poulains de 1 et 2 ans qui auront estivé deux années consécutives au-dessus de mille mètres d'altitude ». Un habitat qui fait de lui aujourd'hui encore un cheval assez polyvalent, même s'il reste avant tout taillé pour l'extérieur. Il fait ainsi un très bon compagnon de randonnée, que ce soit monté ou attelé. Une race qui tend maintenant à se faire connaître du plus grand nombre, afin de convaincre de nouveaux éleveurs de se lancer dans l'aventure. « Ça a été un très grand travail des éleveurs passionnés de relancer cette race et on n'est pas encore sorti de l'auberge. On a un peu plus de 700 représentants mais on reste quand même dans des races menacées », ajoute Freïa Sletten, éleveuse de chevaux castillonnais.

« En perpétuelle augmentation »

Parmi les objectifs, faire participer des chevaux de Castillon aux circuits de valorisation de la SFET (Société française des équidés de travail), et les mettre en avant sur les salons, montés mais aussi attelés, mais le regroupement souffre pour cela d'un cruel manque d'effectif humain et animal. « Cette année, nous avons eu 25 ou 30 chevaux enregistrés, mais tout est en perpétuelle augmentation donc on ne désespère pas », conclut Olivier Courthiade. La chance de reconnaissance de la race réside peut-être aussi dans ces quelques élevages disséminés ailleurs en France, en Bretagne ou dans les Vosges par exemple, bien placés pour faire découvrir les qualités de ces formidables petits chevaux.

Retrouvez la suite de notre reportage consacré au cheval castillonnais dans le numéro 616 de Cheval magazine, disponible en kiosque et en ligne.
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