RÉCIT. Comment un neurochirurgien a-t-il donné vie aux Jeux paralympiques ?

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Aujourd'hui troisième plus grand événement sportif au monde, les Jeux paralympiques sont nés dans un hôpital à Stoke Mandeville, en Angleterre, après la Seconde Guerre mondiale. Ils sont le fruit du travail du neurochirurgien allemand Ludwig Guttman, qui a révolutionné le traitement des patients paraplégiques en introduisant le sport dans leur processus de rééducation.

Quelques jours avant la cérémonie des Jeux paralympiques et avant de traverser le tunnel sous la Manche pour atteindre la France, la flamme paralympique sera allumée à Stoke Mandeville, en Angleterre. Ce village de 6 000 âmes situé à 60 km au nord-est de Londres est considéré comme le berceau du mouvement paralympique.

Il sera désormais le point de départ systématique du relais de la flamme paralympique, comme Olympie, en Grèce, l'est pour la flamme olympique. « À mes yeux, cette décision va permettre de renforcer l'héritage des Jeux paralympiques, déclare d'un ton ému Victoria Hope-Walker, la directrice générale du National Paralympic Trust Heritage, fondation britannique qui œuvre pour protéger l'héritage paralympique. « Ce qui a débuté comme un événement sportif à petite échelle en 1948 à l'arrière d'un hôpital de rééducation pour seize anciens combattants blessés est aujourd'hui devenu le troisième plus grand événement sportif au monde (en termes de billetterie) », rappelait en octobre dernier Andrew Parsons, président du Comité international paralympique.

« Oublie-le, il sera mort dans quelques semaines »

Où et quand est né le mouvement paralympique ? Tout a débuté au moment de la Seconde Guerre mondiale. En septembre 1943, le gouvernement britannique crée un centre national pour les blessures médullaires à l'hôpital de Stoke Mandeville en raison de la recrudescence de victimes pendant la guerre. Des vétérans et des civils touchés par des balles ou des éclats d'obus devenus paraplégiques. Le gouvernement nomme à la tête de l'établissement le docteur Ludwig Guttman, un neurochirurgien allemand et juif qui a fui le régime nazi avec sa famille. Sa mission consiste à diriger le programme de rééducation des blessés de la moelle épinière afin d'augmenter leur espérance de vie.

Auparavant, ces derniers étaient considérés comme incurables et laissés à l'abandon. Ils ne vivaient pas plus de quelques mois, quelques années tout au plus. En 1939, lorsqu'il était médecin dans un hôpital en Pologne, Guttman avait été choqué d'entendre un collègue lui glisser à propos d'un mineur, blessé à la moelle épinière : « Oublie-le, il sera mort dans quelques semaines ».

Depuis, le médecin nourrissait l'espoir de développer de nouvelles méthodes pour soigner ces patients et changer le regard défaitiste de la société. « Il était très passionné par son travail et c'était quelqu'un de têtu, raconte Ian Brittain, chercheur à l'université de Coventry et auteur de l'ouvrage From Stoke Mandeville to Sochi : a history of the summer and winter paralympic games. Je pense que sa personnalité a contribué à son succès compte tenu, à l'époque, des attitudes à l'égard du handicap. »

Le sport, des vertus physiques, psychologiques et sociales

Dès sa prise de fonctions à Stoke Mandeville, le neurochirurgien allemand a révolutionné l'approche médicale dans le traitement des blessures médullaires. Il a d'abord demandé au personnel de retourner les patients toutes les deux heures pour éviter les escarres sources de septicémie, infection générale qui peut être mortelle. Il s'est également appuyé sur le développement de nouveaux médicaments. Surtout, Guttman a introduit l'activité physique dans la rééducation.

Convaincu des bienfaits physiques, psychologiques et sociaux associés aux pratiques de réadaptation active, il disait à ses patients : « Je ferai de vous des contribuables ». Une manière de les encourager à croire qu'ils pourraient être réintégrés dans la société. « Personne ne s'attendait à ce que ces hommes, blessés pendant la guerre et qui étaient peut-être restés allongés dans un lit d'hôpital pendant trois ou quatre ans sans bouger, puissent s'asseoir un jour », confiait à l'époque Joan Newton, infirmière au centre de 1948 à 1952.

Les patients du centre ont commencé à pratiquer différentes activités sportives : fléchettes, snooker, punching-ball, jeu de quilles, polo en fauteuil roulant, finalement jugé trop dangereux en raison des coups de maillet. « Je me souviens de ma mère qui disait à Sir Ludwig : "Pourquoi vous concentrez-vous autant sur ses bras alors que nous voulons qu'elle marche ?...