Polémique sur la boxeuse Imane Khelif: «La testostérone ne suffit pas à faire un champion olympique»

Depuis sa victoire contre l'Italienne Angela Carini, la boxeuse algérienne Imane Khelif se voit reproché de ne pas être une femme. « Les instances sportives se heurtent à l'impossibilité de définir ce qu'est une "vraie femme" autorisée à concourir », décrypte la sociohistorienne Anaïs Bohuon, spécialiste des questions de genre dans le sport.

La boxeuse algérienne Imane Khelif retrouve le ring ce mardi 6 août 2024 en demi-finale des JO. Décryptage de la polémique avec la sociohistorienne Anaïs Bohuon. Professeure à l'Université Paris-Saclay, elle a publié plusieurs ouvrages et articles sur le sport et le genre.

Imane Khelif a été accusée par une adversaire italienne d'avoir des taux « trop élevés » de testostérone et de ne pas être une femme. De quoi est-il question ?

Il y a dans le monde du sport, et dans la société en général, des femmes dont la production de testostérone est plus élevée que la moyenne. Les médecins parlent d'hyperandrogénie. Certaines d'entre elles peuvent être désignées comme intersexes, c'est-à-dire qu'elles sont nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions classiques de la masculinité ou de la féminité. Dans le cas d'Imane Khelif, rien ne nous permet d'affirmer qu'elle produise des quantités élevées de testostérone ou bien qu'elle soit intersexe, puisque nous n'avons pas accès à son dossier médical. Ces allégations proviennent de l'Association internationale de Boxe (IBA), qui a exclu Imane Khelif l'année dernière pour des raisons floues. Le Comité international olympique a toutefois désavoué cette fédération sportive.

Lire aussi :REPORTAGE. « C'est inconcevable » : le peuple algérien au soutien de la boxeuse Imane Khelif à Paris

Faut-il exclure des compétitions les femmes qui ont « des caractéristiques génétiques masculines », comme le demande la Première ministre italienne Giorgia Meloni ?

Ça n'a pas de sens. La testostérone est une hormone produite par les femmes et les hommes. Et il ne suffit pas de produire beaucoup de testostérone pour devenir champion olympique, comme il ne suffit pas de faire 2,20 m pour être champion de basket ! Aucun scientifique ne parvient à dire que ces femmes ont un avantage physique significatif qui serait dû seulement à cette production naturelle d'hormone, qui n'a rien à voir avec celle qu'on s'injecte dans le cadre du dopage. Ces femmes ont des caractéristiques atypiques, parfois hors-norme et exceptionnelles. Comme Léon Marchand ou Michael Phelps en natation. Car, en vérité, n'est-ce pas ce qu'on recherche dans le sport, l'exceptionnalité et le hors-norme ? Les athlètes auront toujours face à eux des personnes plus grandes, plus robustes, plus musclées. Personne n'est égal dans les starting-blocks.

Et pourtant, les fédérations sportives ont mis en place des contrôles. Lesquels ?

Les instances sportives se heurtent à l'impossibilité de définir ce qu'est une « vraie femme » autorisée à concourir. Elles tentent de le faire à travers des contrôles de sexe. Inquiète de femmes jugées trop puissantes, trop musculeuses et se rapprochant des performances des hommes, la Fédération internationale d'athlétisme a ainsi imposé des contrôles gynécologiques [le contrôle visuel des organes génitaux, N.D.L.R.] lors du championnat d'Europe de Budapest, en 1966. Elle soupçonnait des hommes déguisés en femme, ou bien des « femmes non authentiques ». En 1968, ces contrôles se transforment en test chromosomique. C'est à ce moment-là que le monde du sport découvre les personnes intersexes. Depuis 2000, les contrôles chromosomiques ne sont plus systématiques, mais ils restent largement utilisés. Ce sont avant tout les taux hormonaux naturels des femmes qui sont contrôlés.

Lire aussi :ENQUÊTE. Transidentité dans le sport : comment (ré)agissent les instances ?

Quels sont les règlements en vigueur ?

Il y a autant de règlements qu'il existe de fédérations. Celle d'athlétisme, par exemple, impose aux femmes ayant des taux jugés élevés de testostérone de prendre un traitement hormonal extrêmement pénible et qui génère de graves effets secondaires. Le Comité international olympique a, en 2021, Lire la suite Ouest France

×