POINT DE VUE. Retour de Chine

https://guichet.ouest-france.fr/ws/medias/image/MjAyNDA4NjE0MzU5Yzg4YjI5N2FjMTczMjAzMjFkZWQ1YTI5YmI?token=FootAdda05113f499024e7bacc7171a52e6c914

Un peu à l'image des JO de Paris et du nombre de médailles gagnées, « la République populaire de Chine aimerait qu'on la reconnaisse comme une superpuissance… Sans pour autant en revêtir l'habit », explique Philippe Le Corre, chercheur au Centre d'analyse sur la Chine, Asia Society Policy Institute et professeur affilié à l'ESSEC.

Vu de Pékin, la Chine a gagné les Jeux olympiques. Avec 91 médailles, dont 40 médailles d'or, l'ex-empire du Milieu bat son propre record « hors sol » (elle avait gagné 100 médailles, dont 48 en or lors de ses propres JO en 2008).

Mais n'en déplaise aux médias chinois qui pendant deux semaines n'ont cessé de clamer – souvent non sans raison — la victoire de leurs athlètes, ce sont les États-Unis qui ont fini sur la première marche du podium. Le sport n'étant jamais loin de la géopolitique, les analystes peuvent ainsi disserter sur la rivalité sino-américaine qui, à moins de trois mois des élections américaines, n'en finit pas de faire parler d'elle.

Menace chinoise

Lorsqu'on interroge les experts chinois, un message transparaît : l'Occident doit considérer la Chine pour ce qu'elle est devenue, une grande puissance. Or ce ne sont pas les Occidentaux qui en doutent si l'on en juge par le renforcement de la présence américaine en zone Indo-Pacifique, souvent à la demande expresse des alliés de l'Amérique, comme l'Australie, le Japon ou les Philippines.

À Washington, la Chine est devenue le sujet numéro un de politique étrangère, tous partis confondus. Chaque propos sur la Chine des candidats à la présidentielle est scruté minutieusement.

Dans une Europe qui vit au rythme de la guerre russo-ukrainienne, la perception de la menace chinoise est plus nuancée, mais Bruxelles multiplie depuis quatre ans les mesures défensives face aux produits chinois qui, des véhicules électriques aux batteries voire demain l'intelligence artificielle, menacent de décimer l'industrie européenne. Les Européens craignent pour leur « sécurité économique ».

Fuites de capitaux

En Asie, nombreux sont les pays qui augmentent leurs budgets de défense et s'inquiètent de voir Pékin en terrain conquis, en mer de Chine du sud ou dans le détroit de Taïwan. De Manille à New Delhi, en passant par Séoul et Tokyo, on s'organise.

Certes, la Chine de 2024 impressionne : un peuple entier « digitalisé », sous l'emprise des applications en ligne wechat et alipay pour sa vie quotidienne, donc soumis à la surveillance constante de l'État-parti sur les citoyens ; un pays plus tourné vers la technologie et les services, donc moins vers l'industrie ce qui explique en partie ses difficultés économiques (4,7 % de croissance depuis début 2024, une piètre performance pour ce géant de 1,4 milliard d'habitants).

Réuni en juillet, le tant attendu troisième plénum du Parti communiste eut beau indiquer qu'il faudrait « poursuivre les réformes », la part du secteur public sur le privé ne cesse d'augmenter ce qui plonge les entrepreneurs dans une circonspection morose. Peu documentées, les fuites de capitaux à l'étranger s'accélèrent.

Le doute saisit les élites

Ce qui ressort de mes nombreux entretiens en Chine ces dernières semaines, ce n'est pas le sentiment d'un pays prêt à assumer un quelconque leadership. Bien au contraire : face à la stagnation de son économie et au désordre du monde, le doute saisit les élites chinoises qui perçoivent l'inadéquation entre les tentatives de médiation diplomatique de leur gouvernement et la réalité.

Ni en Ukraine (où Pékin a choisi Poutine), ni au Moyen-Orient (où la Chine refuse de condamner le Hamas), les tentatives diplomatiques chinoises ne s'imposent. Un peu à l'image des JO, la République populaire de Chine aimerait qu'on la reconnaisse comme une superpuissance, sans pour autant en revêtir l'habit.

×