« Ça n'arrive qu'une fois dans une vie » : la Lozère offre les Jeux olympiques à ses jeunes ruraux

Plutôt que de payer 180 000 € pour acheter le passage de la flamme olympique, le Département de Lozère, 76 000 habitants, offre 500 places à ses jeunes pour assister à des épreuves. Reportage à Marseille.

« Et voilà les Français qui passent juste devant nous, avec les Anglais ! Ils vont faire un empannage, maintenant, pour contourner les bouées. » Sur une petite navette de promenade en mer, au large de Marseille, une centaine de spectateurs assiste, fascinée, à une régate de Forty Niners (49er), ou skiffs, commentée au micro depuis leur bateau. Ils n'ont pas un regard derrière eux pour la Cité phocéenne, la « Bonne Mère », le château d'If, la Marina et son village olympique d'où les voiliers se sont élancés un peu plus tôt pour participer à cette épreuve des Jeux olympiques d'été.

Romane, Marc, Gabin et leurs copains lozériens se pressent à la proue et la poupe pour voir filer, à leur droite, les skiffs et leurs équipages, et à leur gauche, les compétitrices de l'épreuve de planche à voile, qui volent sur l'eau grâce à leur foil. Dans la petite foule à bord, on repère les Lozériens au premier coup d'œil : les vingt-neuf jeunes et leurs seize accompagnateurs portent tous un tee-shirt vert fluo floqué du slogan « La Lozère naturellement ! ».

Le groupe n'est pas passé inaperçu à son arrivée à 10 h 30 du matin dans le village olympique, après 268 km et plus de cinq heures de bus depuis Mende. Départ à 5 h du matin. Mais certains ont dû se lever beaucoup plus tôt pour rejoindre la préfecture par des routes de montagne. Pas de fatigue pourtant dans les yeux des enfants, de 11 à 17 ans, alors qu'ils savourent, sur le bateau, en fin de journée, ce moment privilégié au cœur des épreuves du jour.

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« C'était cool. On s'est vraiment senti dans les Jeux olympiques », savoure Gabin, 15 ans, au retour dans la Marina. Le spectacle lui a « donné envie de faire du bateau ».« C'était chouette de voir les bateaux en action », se réjouit Emmie, 15 ans, lycéenne à Mende, qui pratique la planche à voile sur un lac. « Je ne suis pas encore à ce niveau ! » C'est sa maman qui a inscrit Emmie à ce voyage « car elle sait que j'aime la voile ». Emmie suivra à la télé les épreuves de taekwondo, un autre de ses sports favoris. Naoual, 14 ans, fille d'agriculteur, a regardé la cérémonie d'ouverture en replay. « Chez ma mamie, à Génolhac, il n'y avait pas de wifi. »

« La flamme olympique nous aurait coûté 180 000 € »

Pendant toute cette journée, les enfants ont profité des animations du village olympique, d'une initiation à la voile dans des petits voiliers 5S, et, tant qu'à y être, de joyeux moments de baignade dans la mer Méditerranée. Coût par personne : le casse-croûte du midi. Tout le reste, transports, entrée, a été pris en charge par le conseil départemental de Lozère, territoire montagneux et rural de 76 000 habitants.

Un choix de l'ancienne présidente socialiste de la collectivité, Sophie Pantel, qui vient de démissionner après avoir été élue députée début juillet. « Nous aurions pu accueillir la flamme olympique, mais cela nous aurait coûté 180 000 €, explique l'élue. Nous avons préféré permettre à des jeunes Lozériens, dont certains ne sont jamais allés à Paris, de vivre pleinement ces Jeux et d'assister à des épreuves. » Car la journée marseillaise n'est pas la seule au programme. Plusieurs jeunes ont assisté, pendant plusieurs jours, aux matchs de rugby à 7 à Paris, nuits sur place comprises. D'autres ont profité de matchs de football à Saint-Etienne (Loire). Et d'autres encore iront à Paris pour suivre plusieurs épreuves des Jeux paralympiques. Au total, 500 jeunes de ce territoire rural vont assister gratuitement aux Jeux olympiques, pour un budget total proche de 75 000 €.

« Une occasion comme celle-là, ça n'arrive qu'une fois dans une vie »

« Quand on voit le prix des billets et les difficultés en termes d'organisation pour s'y rendre, c'était important de permettre à ces jeunes de participer », assure Sophie Pantel. Qui se dit « frappée de voir à quel point ces Jeux olympiques ne sont pas une fête populaire ». Des places ont été proposées par le Département aux jeunes suivis par l'Aide sociale à l'enfance, aux jeunes sapeurs pompiers volontaires, et aux licenciés des clubs de sport. Mais tous les jeunes pouvaient s'inscrire.

Pour réduire les coûts, les accompagnants sont tous volontaires : parents, enseignants, sapeurs pompiers...

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