
Violette Dorange (l'autre grande gagnante du Vendée Globe) : « Je n'ai pas changé »

03/27/2025 07:11 AM
Entretien exclusif avec Violette Dorange, consacrée nouvelle star de la voile au large, lors du Vendée Globe, dont elle est l’autre grande gagnante.
Benjamine de la course, Violette Dorange a marqué le Vendée Globe de son empreinte. Il suffit de voir l'accueil qui lui a été réservé aux Sables-D'Olonne, malgré sa 25ème place, pour se rendre compte de son exceptionnelle cote de popularité. Après Charlie Dalin, vainqueur de la course, elle est l'autre grande gagnante de ce Tour du monde en solitaire qui a consacré une nouvelle star de la voile. Plus d'un mois après avoir posé pied à terre, elle revient sur son exceptionnelle aventure et sa nouvelle notoriété.
Y aura-t-il un avant et un après Vendée Globe pour vous ?
Je n'ai pas l'impression d'avoir changé tant que ça, par contre j'ai la sensation d'avoir vécu une aventure incroyable. J'ai maintenant plein de beaux souvenirs, d'être allée dans les mers du Sud, d'avoir voyagé tout autour du globe…
Votre vie a quand même changé !
C’est vrai qu’à terre la notoriété a un peu explosé pendant que j'étais en mer. Ça, c'est nouveau pour moi. Il y a pas mal de sollicitations.
« C'était important de partager mon aventure »
Avez-vous prévu de sortir un livre sur votre Vendée globe ?
Un film de 26 minutes "Loin d'eux" est sorti. Il y a aussi un documentaire qu'on a tourné pendant deux ans et qui s'appelle "Devenir" sur Disney + et Tébéo. Après, je suis en train de réfléchir pour peut-être sortir mon car- net de voyage. J'ai écrit pendant tout le Vendée Globe. J'ai envie de le faire bien, avec mes petits dessins, quelque chose qui me ressemble. Une série documentaire est également prévue, mais beaucoup plus tard et réalisée par France Télévisions.
Vous avez fini 25ème, mais on a l'impression que c'est comme si vous aviez gagné le Vendée Globe !
Vu le monde qu'il y avait (entre 50 000 et 100 000 personnes, Ndlr), c'était comme si c'était une victoire (sourire). Mon objectif, c'était d'arriver au bout, donc c'est une victoire personnelle d’être arrivée au bout de ce Vendée Globe. Après, je ne m'at- tendais pas à autant de monde et à un tel engouement parce que j'étais un peu coupée des réseaux sociaux quand j'étais en mer. J'ai réalisé tout ça à l'arrivée. Encore aujourd'hui je n'en reviens pas. C'est fou et c'est trop chouette d'avoir pu partager tout ça à travers mes petites vidéos, à travers la communication que mon équipe a faite pendant tout le tour du monde.
C'est Charlie Dalin qui a gagné le Vendée Globe, mais, à la limite, on a plus parlé de vous que de lui. Comment le vivez-vous ?
On s'entend tous très bien avec tous les concurrents. Mon aventure, c'est vertueux pour tout le monde, ça permet aussi de ramener un public qui connaissait peut-être un peu moins la voile et de l'intéresser à ce sport.
Si les skippers saluent tous votre performance, certains estiment que vous avez pris trop la lumière…
Chaque histoire du Vendée Globe est vraiment unique et, à chaque fois, il y a une personnalité derrière, une trajectoire, des situations avec des tempêtes, de la casse matérielle, etc. Tout ça fait qu'on a tous vécu quelque chose d'unique. Je ne dirai jamais que mon histoire est plus intéressante qu'une autre. Je pense qu'il y a de la communication autour de tout le monde. En tout cas, ce n'est pas mon intention de faire de l'ombre aux autres. J'ai fait ma communication comme j'ai l'habitude depuis toujours. J'ai toujours fait des vidéos où je partage mes émotions. J'essaie vraiment de partager le plus possible, le plus honnêtement possible, tout ce que je vis à bord. Ça a plu. J’en suis très heureuse, mais il y en a pour tout le monde.
Finalement, qu'on soit 25ème ou premier, l'important c'est ce qu'on dégage et ce qu'on partage.
C’était mon premier Vendée Globe. L'objectif, c'était d'arriver au bout. J'ai essayé tout le temps d'être la plus rapide, de faire la meilleure manœuvre, la meilleure stratégie. A certains moments comme au Cap Horn, là j'ai vu une grosse tempête devant moi et je me suis dit : "Qu'est-ce qui est important pour moi ? Est-ce que c'est d'arriver au bout ou de tenter de grappiller des places ?" Je me suis vraiment posée des questions et là je me suis dit : je ne peux pas me permettre de casser mon bateau. Je ne le sentais pas et du coup j'ai ralenti. Toute la course, j'ai toujours cherché à être la plus rapide possible parce que je suis compétitive et je voulais bien fonctionner par rapport aux autres bateaux à dérives. Mais, quand il fallait, j'ai su ralentir parce que l'objectif principal est d'arriver au bout, peu importe si je fais 23ème ou 25ème. Mais peut-être que dans le prochain projet je verrai les choses autrement et que deux places ça pourra tout changer…
Si vous avez été la chouchou du public et des médias, vous n‘avez donc pas envie qu'on oublie votre performance sportive.
Tout est important. Je m'adresse à une communauté qui va s'intéresser à l'aventure. Si j'explique pourquoi j'ai viré au passage du front 1 heure avant parce que j'avais 45° d'angle devant, ça n'intéresse pas trop. C’est pour ça que je ne rentre pas trop dans les détails techniques. Je partage plus le côté aventure, les émotions que j’ai traversées. Dans ce Vendée Globe, ce qui m'a beau- coup marquée, c'est que parfois j'étais face à ma peur et qu'il fallait continuer d'avancer parce que je n'avais pas le choix, il fallait traverser la tempête. J'imagine que c'est ce qui peut intéresser aussi les personnes à terre parce qu'elles peuvent vivre des situations similaires avec de la peur face à une situation de stress. J'essaye de partager, d'expliquer comment j'ai fait pour traverser tout ça. A ce moment-là, il y a des émotions et, les partager, c'est aussi important pour ceux qui nous suivent.
Avez-vous le sentiment d‘avoir attiré une communauté qui n'était pas forcément intéressée à la base par voile ?
Il y a beaucoup de personnes qui ne suivaient pas le Vendée Globe. C'est ce qu'elles m'ont dit. Parce que justement c'était parfois trop technique ou alors c’était un peu un monde mystérieux, on ne savait pas trop ce qui se passait en mer, ce que vivaient les marins. J'ai partagé ça comme je l'ai toujours fait avec des petites vidéos. J’ai montré l’Inside.
Grâce à vous, sans doute que des jeunes filles vont se mettre à la voile !
Plein de petites filles, mais aussi de petits garçons m’ont dit : "Ce sera moi dans dix ans !" (sourire) Ça les a fait rêver, ils ont envie de faire ça. Des jeunes de tous les âges même à qui ça a donné l’envie de se lancer par exemple dans une traversée de l’Atlantique.
« Plein de petites filles m'ont dit : "Ce sera moi dans dix ans !" »
Quand on dit que vous êtes la Léna Situations de la voile, la comparaison vous va-t-elle ?
(sourire) J'aime bien Léna Situations donc c'est un honneur d’être comparée à elle. C'était important pour moi de partager mon aventure, mais mon objectif de vie n'est pas non plus de faire que des réseaux sociaux. Moi, ce qui me passionne dans mon métier, c'est le voyage, le fait de par- tir loin, d'être loin de tout, de me dépasser, de me retrouver dans des situations difficiles, d'être compétitive et d'aller chercher la performance. C'est un sport hyper complet. Il y a la météo, la préparation mentale, tout ça me passionne. Il y a aussi ce côté à terre avec la recherche de financement où on va rencontrer les entreprises, la communication, la médiatisation. C'est toute cette globalité qui me passionne, c'est le projet dans son ensemble. J'ai l'impression de n'avoir jamais une journée qui ressemble à une autre !
Quels sont vos prochains défis?
Cette année, il y a la Transat Café l'Or (le 26 octobre, Ndlr) avec Samantha Davies. Il faut appréhender un nouveau bateau (Initiatives-Coeur), un bateau à foils beaucoup plus technologique. Je vais rencontrer une nouvelle équipe. C'est le gros objectif de cette année, de découvrir tout ça et de progresser le plus rapide- ment possible.
Y aura-t-il un 2ème Vendée Globe?
Sûrement…
Rêvez-vous d‘être la première femme à le gagner ?
Je n'en suis pas encore à me poser cette question. J'ai envie d'être compétitive, mais pour l'instant le gagner ce n'est pas mon objectif.
Une femme peut-elle gagner le Vendée Globe ?
Oui, je pense.
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