Poker : les femmes se mettent à table

Lors de l'European Poker Tour de Chypre, organisé par PokerStars, dix femmes ont disputé une compétition avec comme objectif une qualification pour l'étape de Prague, en décembre. Une nouveauté qui doit permettre d'amener plus de femmes dans le milieu très masculin du poker. Reportage.

Autour de la table finale, quelques joueurs curieux profitent d'une pause pour jeter un œil sur la féroce – mais amicale – bataille qui oppose les deux dernières joueuses en compétition. Dans la douceur automnale de Chypre se déroule le Women's Bootcamp Showdown 2023 organisé par PokerStars et Poker Power. Le point d'orgue d'une aventure de plusieurs semaines pour une dizaine de femmes. Elles se disputent une place pour l'European Poker Tour (EPT) à Prague du 6 au 17 décembre. Avant de se retrouver à une table chypriote, elles ont passé plusieurs étapes de sélection. La dernière, un Bootcamp, rassemblait 40 joueuses pendant 8 semaines pour leur permettre de progresser. Les dix meilleures, qui viennent des Etats-Unis, du Brésil, du Royaume-Uni ou encore de France, ont obtenu le précieux sésame pour jouer en live.

Voir une table uniquement féminine reste un petit événement. On estime que 10 à 15% des joueurs de poker sont des joueuses. « Les hommes sont plus attirés par le milieu du poker, un monde de compétition, avec de l'argent, explique Irene ‘Frogy’ Albarran, coach de poker et streameuse sur Twitch. Le fait de voir toujours des hommes aux tables de poker n'aide également pas ou n'encourage pas les femmes à venir. Mais les réseaux sociaux sont un très bon outil pour montrer qu'il y a aussi des femmes dans les tournois. Et il y en a de plus en plus. » La tendance est en effet à la hausse. « J'ai vraiment vu une évolution positive, ajoute celle qui commente les compétitions pour PokerStars en Espagne. Je l'ai constaté aux tables, lors de voyages, sur Twitch aussi. Il y a plus de femmes qui commentent et qui m'écrivent ensuite sur Instagram. »

« Je suis toujours heureuse de voir des femmes atteindre des sommets » Irene ‘Frogy’ Albarran

C'est dans cette optique, et pour aider les femmes à évoluer dans le milieu du poker, que PokerStars a mis en place ce Women's Bootcamp. « C'est un événement qui m'enthousiasme beaucoup, se réjouit la jeune Espagnole, qui a appris le poker avec son compatriote Juan Pardo. Je suis toujours heureuse de voir des femmes atteindre des sommets, jouer et réaliser de grandes choses. Et j'aime l'égalité. Je veux qu'il y ait plus de femmes. J'essaye aussi d'œuvrer en ce sens. D'encourager les femmes, de montrer sur mes réseaux sociaux que je m'amuse, que je rencontre même de nouveaux amis et que tout le monde peut venir. Je veux encourager les femmes à ne pas avoir peur. C'est une grande communauté très saine. »

Parmi les compétitrices qui ont tiré leur épingle du jeu (de cartes) lors du Bootcamp figure la Française Laura Lebailly. A 23 ans, ce sont les soirées étudiantes qui lui ont fait découvrir la discipline. « J'ai commencé à jouer au poker quand je suis arrivée en école de commerce. En soirée, on avait pris l'habitude de faire des jeux. On pratiquait notamment le poker. J'ai tout de suite aimé le principe du jeu. Je me suis intéressée aux règles et j'ai gardé en tête cette envie de jouer. Récemment, j'étais en échange scolaire en Afrique du Sud. Je m'ennuyais chez moi. Du coup, j'ai commencé à apprendre toute seule, en ligne. Je voulais jouer ‘vraiment’, dans les casinos, mais je ne voulais pas m'engager avec de l'argent sans avoir les bases. J'ai donc appris toutes les règles. C'est en commençant à apprendre que je suis tombée sur la proposition du Women's Bootcamp », explique la Bretonne.

Sortir de sa zone de confort

Si l'amusement fait partie intégrante du jeu, Laura Lebailly a également trouvé d'autres motivations : « J'aime bien me dire que je suis la seule femme parmi les hommes. Ça ne m'impressionne pas. Et le poker peut me servir dans plein de choses : l'analyse, la prise de décision, la prise de risque… Pour moi, qui reste souvent dans ma zone de confort, c'est une très bonne chose ! » La jeune Française s'est rapidement fait la main et s'est hissée jusqu'en table finale à Chypre. Elle est même montée sur le podium. La benjamine de la compétition a terminé à une prometteuse troisième place.

Une belle performance qui a été vue d'un bon œil par les joueurs sur place et l'entourage proche de Laura Lebailly : « Me qualifier pour cet événement, c'était très motivant. Je me suis dit que je pouvais faire des choses un peu hors du commun. Je me compare souvent aux autres, à mes amis, à mon frère, à ma sœur. Ils ont tous fait des choses très stylées. Moi, c'étaient les études, la salle de sport, et c'est tout. Avec le poker, ça a changé les choses. Mon frère et mon père, par exemple, ont trouvé ça très cool », explique-t-elle. En revanche, sur les réseaux sociaux, il reste du travail pour que l'image des femmes autour de la table de poker soit définitivement adoptée.

« Mes collègues de travail sont des amis » Irene ‘Frogy’ Albarran

« J'ai l'impression que les gens me voient différemment, explique la jeune femme. Quand j'ai posté des stories de l'événement à Chypre, ce sont uniquement des hommes qui envoyaient des commentaires. Certains étaient positifs, ils me disaient : ‘Explique ! Comment tu as fait ? Raconte, c'est génial !’ Ils s'intéressaient à mon parcours. Mais d'autres remarques étaient beaucoup moins sympathiques : ‘Mais je suis mort de rire. Toi, tu fais du poker ?’ Un homme m'a demandé comment je m'étais qualifiée. Je lui ai expliqué rapidement, sans entrer dans les détails, le processus de sélection. Sa réponse : ‘Je m'y connais en poker, c'est bizarre ce que tu me racontes… Ah, c'est le Women's Bootcamp, je comprends mieux, tu n'as joué qu'avec des filles. C'est pour ça que tu t'es qualifiée, c'est beaucoup plus facile…’ » Les clichés ont la vie dure…

Certaines femmes ont pourtant montré que se lancer dans le poker pouvait permettre de suivre de belles trajectoires, à l'image de celle d'Irene ‘Frogy’ Albarran : « Aujourd'hui, je vis en Andorre et depuis janvier, je travaille pour PokerStars, dont je suis l'une des ambassadrices. C'est un rêve devenu réalité. Ma vie se résume à beaucoup de voyages, beaucoup de poker, beaucoup de streaming. Avec une famille, parce que ce sont des amis. Mes collègues de travail sont des amis. Je suis très heureuse et très contente de faire ça. » En décembre, c'est la lauréate du tournoi, Louise Ulrick, qui disputera l'EPT Prague, au milieu des joueurs professionnels. Avec, pourquoi pas, une belle performance à la clé ? « Je pense qu'il y peut y avoir un avantage. En général, les femmes sont perçues comme plus mesurées. Et je crois qu'elles peuvent profiter de cette image que les hommes ont. Ils pensent souvent que les femmes sont plus prudentes, qu'elles mûrissent plus leurs décisions. C'est aux femmes de jouer avec ça et d'en profiter », explique Irene ‘Frogy’ Albarran. A Louise Ulrick de jouer dans la capitale tchèque.

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