Germain Roesch : « Redonner le pouvoir aux clubs »

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Réélu à la tête de la Ligue Île-de-France de Tennis, Germain Roesch est candidat à la présidence de la Fédération Française de Tennis. Opposé à Gilles Moretton, il est convaincu que le type de gouvernance doit changer. Entretien.

Vous êtes candidat à la présidence de la Fédération Française de Tennis, alors que vous aviez soutenu Gilles Moretton lors de précédente élection. Pourquoi ce revirement ?

Aujourd’hui, je n’ai pas honte de dire que j’avais rejoint Gilles Moretton il y a quatre ans. D’ailleurs, ce n’était pas une démarche individuelle, j’avais constitué une équipe pour la Ligue Île-de-France de tennis. Nous étions une vingtaine de personnes et nous avions auditionné les deux candidats. Majoritairement, ce groupe m’a demandé de rallier Gilles Moretton. Nous ne connaissions pas l’homme à l’époque, en dehors du fait qu’il avait eu un parcours de joueurs de haut niveau. Personnellement, je n’avais jamais eu l’occasion de le rencontrer.

Un point qui nous avait particulièrement séduit c’est qu’il avait, à l’époque, placé les clubs au cœur. du dispositif, ce sont les clubs qui devaient influencer la politique fédérale. Or, aujourd’hui, force est de constater que c’est le contraire qui se produit.

Il y avait un autre point qui nous paraissait important, c’est le haut niveau. C’est la vitrine de notre sport. Ce qui nous avait séduit dans le programme, c’est l’arrêt de l’hyperselectivité au plus jeune âge au profit de la formation. Mais, depuis le début de la mandature, on voit bien qu’on on n’a jamais sélectionné aussi jeune, dès huit huit ans. On organise des compétitions régionales voire nationales à huit ans on n’a jamais eu autant de challenges nationaux pour les 8, 9, 10 ans.

D’une façon générale, je me suis effectivement détaché de Gilles Moretton parce que le programme dans l’esprit de départ est différent de ce qu’on constate aujourd’hui sur le terrain. De mon côté, je suis convaincu que les clubs sont au cœur et doivent être au cœur de l’engagement fédéral. Ce qu’on souhaite avant tout, c’est donner le pouvoir au club. Déjà en donnant la possibilité que leur leur vote compte pour 100 %, que ce soient les seuls à élire la présidente ou le président de la fédération, mais aussi en répondant à leurs attentes et à leurs besoins grâce aux structures de proximité que sont les comités départementaux. Il est capital de consolider au niveau de chaque territoire pour ensuite influencer la politique fédérale.

Avec mon équipe, nous avons par exemple pour objectif de réaliser, en lien avec les comités départementaux, une analyse complète de l’état des infrastructures et ensuite de définir une cartographie des priorités, un plan d’investissement. On va utiliser une partie de la richesse générée par Roland-Garros pour avancer dans la rénovation des cours et des espaces de vie pour que les clubs puissent accueillir dans les meilleures conditions possibles les pratiquantes et les pratiquants.

« Nous avons les moyens d’augmenter de façon conséquente la richesse dégagée par Roland-Garros »

Roland-Garros peut-il participer beaucoup plus au développement des clubs ? Et de manière générale, avec des subventions venant des collectivités probablement en baisse, le tennis français doit-il se réinventer économiquement ?

Il est certain que nous avons les moyens d’augmenter de façon conséquente la richesse dégagée par Roland-Garros. Elle sera de toute façon plus importante chaque année qui passe pour différentes raisons. et grâce à différents facteurs, notamment les remboursements d’emprunts qui vont baisser, et la hausse des recettes. On a les moyens d’augmenter cette enveloppe, et malheureusement, je crois que nous n’aurons pas le choix. Quand on voit aujourd’hui que les collectivités locales sont propriétaires de 95% des infrastructures de nos clubs et que leurs budgets sont de plus en plus contraints, il va falloir effectivement que la Fédération Française de Tennis soit capable ponctuellement de jouer un rôle de financeur plus important que ce que nous avons fait ces années passées.

Le développement des clubs doit-il passer par le développement des disciplines autres que le tennis, je pense notamment au padel ?

Oui, absolument. Vous prenez l’exemple du padel, je suis convaincu que ce sport peut définitivement contribuer à dynamiser ou redynamiser certains clubs. Le padel a cette réputation d’être un sport plus ludique, plus facile à apprendre sur le très court terme. Cela peut nous permettre d’attirer de nouveaux pratiquants dans les clubs, et donc de bénéficier de l’essor du padel. D’autant que c’est une discipline qui se joue en double. Si on prend l’exemple des pratiquantes, que ce soit des jeunes filles ou des dames, certaines ne sont pas forcément prêtes à franchir le pas de la compétition en jouant en simple. Par contre, le double est une opportunité pour elles d’avancer plus rapidement vers cette logique de compétition. Dans le cadre du développement du jeu, on prône le fait de mettre le paquet sur le double. notamment en multipliant les tournois et en mettant en place un classement de double. De manière générale, la pratique multi raquette au sein d’un club ne peut être qu’un facteur d’attractivité et de fidélisation des pratiquantes et des pratiquants.

Crédit photo : Barbara Grossmann

« Chaque projet doit être individualisé »

Abordons un sujet délicat, celui du haut niveau. Le tennis français sort notamment de Jeux Olympiques très compliqués. Quelles sont vos ambitions et priorités concernant cette thématique du haut niveau ?

Je pense qu’il serait extrêmement prétentieux de prétendre avoir la recette pour avoir, dès demain, la joueuse ou le joueur français qui va gagner un grand Chelem, avec bien entendu Roland-Garros en ligne de mire. En revanche, le rôle de la Fédération Française de Tennis doit être de tout mettre en œuvre pour amener le plus loin et le plus longtemps possible des jeunes filles et des jeunes garçons qui commencent par un projet familial dans un club, avec un entraîneur de club. Notre objectif aujourd’hui est de considérer que chaque projet est un projet singulier, chaque projet doit être individualisé. Plutôt que de capitaliser et de focaliser notre attention sur les pôles, il faut pouvoir traiter chaque projet d’une façon individuelle.

Au sein de notre équipe de campagne, nous avons Jérémy Chardy. On connaît son palmarès en tant que joueur et sa réussite récente en tant qu’entraîneur. Il s’occupe du projet haut niveau avec d’autres joueurs et joueuses qu’il a mobilisés autour du projet qu’on lui a confié. Ils vont aujourd’hui avancer dans le sens que je viens de décrire. Bien sûr, on ne veut pas supprimer les pôles nationaux, parce qu’il y a des jeunes qui vont s’y sentir bien.Mais on veut vraiment donner la possibilité à un entraîneur de club d’accompagner le plus longtemps possible une joueuse ou un joueur vers le haut niveau. Je pense qu’il faut s’inspirer de ce qui fonctionne à l’extérieur. Je prends l’exemple du tennis américain, qui est en plein renouveau. Les Américains ont un centre national en Floride, mais ils considèrent aussi que chaque projet doit être géré individuellement. C’est une approche qui fonctionne.

En tant que président de la Ligue Île-de-France, parlons d’un sujet qui vous tient à cœur : celui du Rolex Paris Masters. En 2025, le tournoi ralliera La Paris La Défense Arena. Est-ce un bon choix ?

Ce qui est certain, c’est que le contrat qui a été signé entre La Paris La Défense Arena et la Fédération Française de Tennis est un contrat longue durée. Est-ce la bonne destination ? Nous verrons bien à l’usage. Il est vrai que je m’étais opposé, non pas à ce déménagement, mais à la façon dont le projet avait été géré. C’est l’étincelle qui a fait que j’ai pris définitivement mes distances avec la gouvernance actuelle.

De mon point de vue, quand on remet en cause et qu’on apporte des changements majeurs à une institution comme le Rolex Paris Masters, il est important que les différentes équipes soient auditionnées. par l’ensemble des membres du Comex, ce qui n’a pas été le cas. Dans le cadre d’une gouvernance transparente, coopérative et collégiale, cela aurait dû être le cas. C’est ce type de manquement qui fait qu’aujourd’hui, quand je rencontre des présidents de clubs, ils sont nombreux à me dire que l’image de la Fédération Française de Tennis est désormais abîmée.

Crédit photo : Barbara Grossmann

« Il est important de changer la façon de gouverner »

Qu’en est-il du développement des autres tournois de haut niveau ? Certains, à l’image de l’Open Occitanie, ont été sauvés de justesse par des collectivités. Là aussi, la FFT doit-elle être plus proactive ?

A me yeux, il est nécessaire que nous ayons le circuit de tournois ITF le plus dense possible. Cela doit favoriser le maillage territorial le plus complet pour permettre à nos jeunes qui aspirent au haut niveau d’avoir des compétitions près de chez eux.

Concernant les tournois ATP 500, 250, voire même 125, je pense qu’il est essentiel, au moins sur le court terme, que la Fédération Française de Tennis mette tout en œuvre pour pallier d’éventuelles défaillances de partenaires privés ou institutionnels.

En cas de victoire de Gilles Moretton, avez-vous tout de même bon espoir que les choses changent ? Que le fonctionnement soit plus collégiale et transparent, comme vous l’appelez de vos vœux ?

Honnêtement, j’ai des doutes. C’est pour cela que je martèle qu’il est important de changer la façon de gouverner. Il faut que cette gouvernance devienne collégiale, coopérative et participative devienne une réalité. Vous savez, j’ai dirigé des entreprises pendant 25 ans en tant que président directeur général ou en tant que directeur général. On ne coche jamais toutes les cases, mais il me semble essentiel que la personne à la tête de la fédération soit un leader, quelqu’un avec une vision claire, partagée par les membres de la fédération pour mettre en musique des stratégies. Il faut un manager qui soit rompu à l’exercice de la gouvernance. Personnellement, je le suis, entouré de personnes qui ont des compétences dans des domaines divers et variés et qui connaissent très bien le monde du club. Comme je le disais, il est essentiel de donner le pouvoir aux clubs.

Cette élection fédérale est un grand moment démocratique. C’est la première fois qu’on va demander aux présidentes et aux présidents de clubs de participer à la désignation de leur futur président. Or je suis étonné que le camp adverse explique depuis plusieurs mois aux présidents de clubs que les jeux sont faits, que tout est plié. On nous explique que c’est du 80-20, or c’est beaucoup plus serré. Je viens d’être réélu à la tête de la Ligue Île-de-France grâce au soutien de clubs qui se sont exprimés clairement. En vue de l’élection du président de la Fédération Française de Tennis, le poids de votes des clubs représente 50%. Aujourd’hui, mon envie est claire : laissons-les s’exprimer plutôt que de dire que les jeux sont faits.

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