Race : Le shagya, un esprit d'endurance

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Né pour être un cheval de guerre, le shagya, parfois appelé arabe-shagya, est aujourd'hui un partenaire privilégié pour l'endurance, même si son tempérament posé en fait un compagnon très polyvalent. Un cheval rare, qu'il est important de faire perdurer.

Ils ont tout du cheval arabe, mais avec un modèle plus osseux. Les shagyas sont des chevaux encore bien méconnus mais brillent pourtant par leur talent et leur mental. À la Ferme équestre du shagya en Normandie, Jean-Michel Lechanoine l'a bien compris lorsqu'il découvre la race il y a quelques années. « Je cherchais une race de chevaux d'extérieur, pouvant répondre à mes besoins dans le tourisme équestre. Je suis allé voir un élevage pas très loin de chez moi et je suis tombé sous le charme de la beauté et du modèle de ce cheval, qui correspondait à mes attentes aussi bien en gabarit, en taille ou en caractère », explique-t-il.

Cavalier de Trec, il découvre avec sa première jument, Umeko Arverne, les joies de l'endurance. Sans rien connaître à la discipline, ils commencent ensemble sur des distances de 20 kilomètres, avant de grimper petit à petit les échelons jusqu'aux 160 kilomètres à l'international. « Je me suis lancé sans rien connaître avec cette première jument achetée à 4 ans, qui en a aujourd'hui 15. Nous avons progressé étape par étape jusqu'à ce que je m'inscrive comme cavalier professionnel. »

Aux origines du shagya

Aujourd'hui, à la Ferme du shagya, la passion pour ces chevaux est une histoire de famille qu'il partage notamment avec sa fille Vicky, qui prépare le championnat Amateur avec son shagya de 5 ans. Jean-Michel Lechanoine s'est depuis lancé dans l'élevage, en plus de ses sorties en endurance et de ses activités de tourisme équestre. Avec Umeko, en 2023, il a remporté les championnats de Normandie, une course de 100 km qu'il a réalisée sans mors.

Le shagya d'aujourd'hui tire ses origines de l'ancien empire d'Autriche-Hongrie, qui s'étendait des limites de la Savoie jusqu'à l'empire ottoman. En 1789, l'empereur Joseph II publie un décret et acquiert le domaine de Babolna, à l'ouest de Budapest, dans le but de créer une race de chevaux de guerre, « avec un programme ayant pour objectif de fabriquer 6 000 chevaux par an », détaille Christiane Géry, de l'élevage du Rieussec.

Un cheval de guerre

La base de cette race, quatre-vingts juments autochtones très empreintes de sang arabe, « avec de l'os et du mental, comme on en cherche chez un cheval de guerre. C'est ce qui pour ma part m'a beaucoup plu dans la race », sourit l'éleveuse. Ces juments ont ensuite été croisées avec du sang arabe. En effet, à partir de 1816, seuls les étalons arabes sont autorisés à saillir.

Parmi les étalons utilisés, certains chevaux saisis à Napoléon Ier, comme L'Ardent, qui sera l'un des meilleurs reproducteurs dans les débuts, avant l'import en 1936 de Shagya. Cet étalon venu de Syrie, par ses caractéristiques, donnera son nom à la race. « Pour sélectionner les étalons, ils utilisaient un entier pour une centaine de juments et regardaient les poulains l'année suivante, afin de déterminer si l'étalon était ou non améliorateur de la race. »

De fil en aiguille, ils croisent bien évidemment leurs shagyas avec des shagyas, jusqu'à au moins quatre générations. « On s'est aperçu que toutes les quatre générations, quand ils devenaient pur-sang shagya, ils réintroduisaient une lignée de pur-sang arabe et c'est comme ça qu'ils ont réussi à conserver cette énergie et cette élégance », résume Christiane Géry. Le shagya, c'est le demi-sang arabe de l'empire d'Autriche-Hongrie.

C'est en Autriche-Hongrie que remontent les origines du shagya. © AdobeStock/kislovas

Reconnaissance en France

Seulement voilà, bien des années après la guerre, ces chevaux perdent leur utilité et sont envoyés en masse à l'abattoir par trains. « Des Autrichiens qui avaient travaillé avec ces chevaux pendant leur service militaire ont vu passer les trains, et ont racheté les derniers chevaux. » Ils sauvent ainsi la race et avec des Suisses, créent l'association internationale en 1978.

C'est presque dix ans plus tard, à la fin des années 80, que la race voit le jour sur notre territoire, grâce à l'association de quelques éleveurs qui créent le stud-book, à l'origine au sein du registre généalogique français des races étrangères de chevaux de selle. Pour trouver les trente chevaux nécessaires à la création de ce livre, ils s'aident du minitel et dénichent trente croisés shagyas à travers le territoire. Des chevaux arabes intègrent le piquet des reproducteurs, « dont un cheval des Haras nationaux qui sera le premier mâle en France à avoir pu repro- duire, alors qu'il n'avait que deux shagyas dans sa lignée », ajoute l'éleveuse.

Aujourd'hui, un cheval pour être shagya doit, à la quatrième génération, avoir une moitié de lignées en shagyas, le reste étant du pur-sang arabe. Dans l'histoire de la race, seuls deux apports de sang étranger auraient été faits selon les traces écrites, avec une jument pur-sang anglaise et une lipizzan.

Taillé pour courir

À l'époque, aussi bien utilisés montés ou attelés, les shagyas ont tout au long de leur développement su conserver leurs caractéristiques d'origines. Aujourd'hui encore, ce sont des chevaux qui se veulent polyvalents, que ce soit pour du saut d'obstacles parfois jusqu'au niveau Amateur, ou même du dressage en Allemagne, ils peuvent tout faire. Mais là où ils excellent le plus, c'est en équitation d'extérieur, plus particulièrement en endurance. Et ils ont de quoi, avec une vie de guerrier à parcourir trente kilomètres par jour sur plusieurs jours.

Maintenant, ils se retrouvent régulièrement en haut des classements sur les compétitions internationales, à l'image de Spirit de Crouz. Avec sa cavalière portugaise Leonor Moreira Alves Almeida, il terminait septième des championnats du monde à Butheeb, en 2023. Par équipes, le Portugal prenait la deuxième place par équipes derrière la France à la suite de la disqualification du Bahreïn. La même année, c'est lors du CEI 3* de Compiègne que Gronwel Assan prenait la deuxième place avec sa cavalière. « Ce sont des chevaux qui sont bien dans leur tête, froids mais avec du gaz, et qui réfléchissent », détaille Christiane Géry, qui a déjà fait naître une cinquantaine de shagyas dans son élevage.

« Je n'ai jamais retrouvée une telle intelligence chez un autre cheval »

Un caractère préservé, fruit d'une longue sélection de la part des éleveurs, chargés d'écarter de la reproduction les équidés ne correspondant pas au tempérament de la race. Un tempérament qui fait de lui un cheval sûr pour toute la famille, du cavalier débutant au plus confirmé. Un fait confirmé par Jean-Michel Lechanoine, dont les shagyas font merveille en tourisme équestre. « C'est impressionnant pour moi cette capacité d'intelligence. Je ne l'ai jamais retrouvée chez un autre cheval. Il est capable aussi bien de seposer, de se mettre au niveau du cavalier en faisant uniquement une balade au pas avec un débutant, analyse-t-il. En revanche, en compétition, c'est un gagneur, il sait tout de suite quand il est en course. Grâce à son sang arabe, il garde une certaine vivacité et a besoin d'énormément de confiance envers son cavalier. »

Les qualités du shagya en font un compagnon idéal pour nombre de disciplines. © DR/Brottes Gery

Une race à préserver

Malheureusement, la race en France souffre d'un déclin de naissances depuis quelques années. On comptait soixante-dix-neuf naissances dans les années 2010, contre treize en 2022. « Les plus gros éleveurs en France ont vite réalisé qu'en croisant leurs juments shagyas avec les grands étalons arabes à succès en endurance, ils vendaient leurs produits en DSA (demi-sang arabe, NDLR) bien mieux qu'en shagya. Ils performent toujours mais ne sont plus dans nos stud-books », déplore Christiane Géry.

En effet, pour produire en shagya, un étalon arabe doit être approuvé comme reproducteur par le stud-book, toujours dans un souci de préserver les qualités de la race. On compte environ huit cents chevaux shagyas en France, et six mille à l'échelle mondiale. « C'est un cheval exceptionnel qui ne mérite pas de disparaître. On l'utilise essentiellement pour l'endurance et à haut niveau, et il reste encore assez méconnu du grand public. Parfois les gens pensent à tort que c'est un cheval compliqué, alors que pas du tout », ajoute Jean-Michel Lechanoine. Un cheval à découvrir, qui devrait convaincre tous les cavaliers adeptes de l'équitation d'extérieur, qui recherchent un cheval attachant, volontaire et curieux.

Fiche d'identité du shagya

Taille : entre 1,54 m et 1,62 m.
Robe : souvent grise, mais le stud-book autorise toutes les couleurs.
Berceau : l'ancien empire d'Autriche-Hongrie.
Morphologie : d'une morphologie assez proche de celle du pur-sang arabe mais avec un cadre plus grand, le shagya présente un chanfrein concave ou droit, avec des yeux expressifs. Son corps est harmonieux, avec une ligne supérieure bien dessinée, une croupe longue avec une arrière-main musclée et large. Sur les membres, le tour de canon doit faire au minimum dix-huit centimètres afin de valider une inscription au stud-book. Les allures sont amples et élastiques, avec une action libre et souple.
Caractère : ce sont des chevaux équilibrés, gentils, courageux et coopératifs, notamment sélectionnés pour leur caractère.

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*La première publication de cet article remonte au n°619 de Cheval magazine. Ainsi, des faits pourraient avoir évolué ou faire l'objet d'actualisations.

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