Race : Le Nonius, un cheval digne d'un bijou hongrois

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Le Nonius, ce cheval à la robe noir ébène a de quoi en faire pâlir plus d'un. Docile, calme, endurant, majestueux... Tous ceux qui le connaissent le qualifient de « cheval idéal ». Pourtant, il peine à être populaire au-delà des frontières de sa terre d'accueil. Coup de projecteur sur ce cheval hongrois qui tient son sang d'un étalon français.

Par Anne CHAUSSEBOURG

À l'est de l'Europe se cache un joyau des races hongroises, le Nonius. Ce nom ne vous évoque rien ? C'est à la fois triste et normal. Ce cheval encore méconnu est élevé uniquement en Hongrie. Seuls quelques cheptels existent en Roumanie, Bulgarie, Serbie ou encore Slovénie. Pourtant le Nonius a tout du cheval de rêve. Docile, calme, robuste et endurant, il peut galoper sur un temps long sans se fatiguer, ni transpirer.

Son physique n'est pas en reste. Le Nonius arbore une robe noir ébène sans aucune tâche de blanc, une arrière main puissante, des membres solides mais secs, une encolure arrondie et une tête convexe appelée « tête de bélier », qui lui donnent un physique identifiable. Qualifié de « cheval idéal » lors de l'exposition universelle de Paris en 1900, il est impossible de ne pas être charmé par sa grâce et son caractère amical. Zsuzsanna Wagenhoffer, d'origine hongroise et amoureuse de ce cheval qui peuple les plaines de son pays natal, en parle avec passion et émotion. « La sensation la plus magnifique que j'ai ressentie dans ma vie, c'est de toucher un Nonius. Ils ont un poil tellement dense et court qu'on ne sent pas leur température ».

Du sang français

La race du Nonius est affiliée à des origines hongroises, pourtant elle tient ses racines d'un étalon français. L'étalon Nonius Senior, qui lui donna son nom. Nonius Senior est né en 1810 dans le Calvados en Normandie. Il descend du croisement entre l'étalon Orion, un demi-sang anglais qui a aussi du sang de Norfolk Roadster, et d'une jument normande. Son histoire s'est écrite à la suite de longs périples et des débâcles des guerres napoléoniennes.

Napoléon, grand conquérant, avait pour projet d'affiner sa cavalerie avec des chevaux de l'Est pour qu'elle soit plus légère et rapide. Il envoya tous ses poulains normands à l'est de la France pour mener à bien son projet. Nonius Senior se retrouva dans le cheptel et partit en direction du Haras de Rosières. Lors de la défaite de Napoléon à Leipzig en 1813, un général hongrois, pour se venger des Français, déroba une dizaine de chevaux aux haras. Parmi eux, Nonius Senior qui, malgré son physique disgracieux, avait tapé dans l'œil du général pour sa robe aux reflets acajou et sa sociabilité.

« À conserver pour continuer l'expérience »

En effet, Nonius Senior ne pouvait pas se targuer de son physique. Il possédait un dos long, des aplombs défectueux, des épaules droites et une grosse tête. Le journal du haras notait à son sujet : « Poulain, grand, mais sans beauté et sans proportion. Quoiqu'il puisse jamais faire un bon étalon, à conserver pour continuer l'expérience ». Qui aurait pu imaginer alors qu'il donnerait naissance à de magnifiques poulains auxquels il n'a transmis aucun de ses défauts !

Une fois arrivé sur les terres hongroises, Nonius Senior prend la direction du haras de Mezöhegyes. La naissance de la race est le fruit de saillies avec des juments locales d'origines arabe et napolitaine. À ses 20 ans, il a laissé derrière lui 79 étalons et 122 juments, le début de la race du Nonius. L'utilisation d'un stud-book fermé ainsi que la pratique des croisements consanguins ont permis de faire du Nonius un cheval au physique reconnaissable et au caractère unique. La race est tant singulière que l'UNESCO la reconnait depuis 1999 « comme un patrimoine à préserver, lié à la biodiversité de la Puszta (la steppe hongroise) précise Zsuzsanna. La plupart vivent aujourd'hui en semi-liberté dans la Puszta, au Haras d'Epona. »

Une polyvalence à toute épreuve

Malgré ses traits de cheval baroque, le Nonius est principalement utilisé pour l'attelage. Sa poitrine profonde, son dos large et sa croupe puissante en font le parfait partenaire pour cette discipline. Avec l'essor de l'attelage en compétition depuis les années 70, sa popularité ne cesse de croître tant il excelle dans ce domaine. Mais le Nonius a plusieurs cordes à son arc. « Il sait aussi tenir son rang sous la selle dans les épreuves de dressage et de CSO », souligne Zsuzsanna.

« Un vrai surdoué »

En effet, il n'a rien à envier à ses compères lipizzans, lusitaniens, ou encore espagnols. La rondeur de son encolure et sa tête convexe lui confèrent une certaine grâce qu'on ne peut lui retirer. De plus, sa puissance et son endurance en font un très bon compétiteur pour les épreuves de saut d'obstacles. Il se fera aussi apprécier pour la voltige, grâce à son dos confortable et ses allures cadencées. Un cheval polyvalent, qui se fait aussi remarquer pour son mental. « Il possède des capacités d'apprentissage rapide faisant de lui un vrai surdoué ». De grandes compétences, que les cavaliers hongrois entendent bien mobiliser. Seuls les chevaux qui ont atteint le niveau Saint-Georges participent aux concours nationaux d'attelage.

Outre ses capacités, la plus grande qualité du Nonius provient de son caractère. À l'origine cheval de troupe, il se devait d'être vaillant, solide mentalement, avec une santé de fer pour accompagner les militaires dans leurs batailles. Son calme et son humeur constante ont séduit dans les rangs de la police hongroise, qui en a fait son premier partenaire. Depuis peu, les polices belge et tchèque ont emboité le pas. « Ils sont devenus accros au Nonius, car c'est un cheval qui a de l'allure et qui est très calme. Il ne stresse pas et ne chauffe pas. » La liste de ses qualités ne cesse de s'allonger.

En quête d'identité

Tous ceux qui en parlent ne tarissent pas d'éloges à son égard et s'accordent à dire que rencontrer dans sa vie un Nonius est une chance indéniable. Pourtant cet équidé hongrois souffre de sa réputation de « cheval de paysan », héritage des années communistes. Il peine à se faire une place dans les compétitions de haut niveau.

D'abord cheval de troupe puis de travail agricole, son statut lui aura permis de survivre sous l'ère soviétique, contrairement à ses homologues, comme le Shagya et le Furioso North Star. Ces derniers furent interdits car on les considérait comme des chevaux de l'aristocratie. « J'ai toujours voulu un Nonius. Je me souviens qu'un jour un ami m'a dit : "Pourquoi tu cherches un Nonius, c'est un cheval de paysan ! Achète-toi un Furioso plutôt". Les Hongrois sont traumatisés par le communisme. Cela les pousse à penser qu'à l'Ouest tous les chevaux sont meilleurs et que le Nonius est un cheval de travail. », explique Zsuzsanna.

Il reste cependant des cavaliers pour qui ces chevaux noir ébène sont toujours de vrais compagnons de cœur, et avec lesquels ils perpétuent les traditions : les cavaliers Csikos. Chaque année à l'occasion du Hortobagyi Lovasnapok (journées équestres d'Hortobagy), musiques, spécialités culinaires, danses, et représentations avec les chevaux hongrois sont au rendez-vous.

Un élevage valorisé

La qualité des chevaux Nonius peut en partie s'expliquer par son stud-book très fermé. Pour qu'un Nonius y soit inscrit, il doit remplir plusieurs caractéristiques et se soumettre au jugement de l'Union Nationale des Éleveurs de Nonius.

Istvàn Pap, directeur d'élevage au sein de l'union, nous explique son fonctionnement. « L'union des éleveurs a (ré-)édité le stud-book en 2006, qui est devenu un répertoire fermé. Afin de pouvoir d'entrer dans ce stud-book, il faut remplir plusieurs conditions. Le descendant (jeune cheval/poulain) souhaitant entrer, doit avoir sa mère ou la famille de sa mère dans le nouveau stud-book de 2006. Tous les poulains nés à l'étranger doivent passer devant un comité de juges, qui sont les membres de l'union. Ils décideront si le poulain correspond aux critères physiques et psychologiques du Nonius. » 

En effet, le mental de leurs chevaux est très important pour les éleveurs hongrois. « Le Nonius a été élevé à l'origine pour les militaires. Les chevaux devaient remplir plusieurs critères, comme la solidité, la santé physique et le mental, que nous voulons conserver.» Chaque année a lieu la réunion des éleveurs qui, chapeautée par l'Union Nationale des Éleveurs de Nonius, vise à intégrer de nouveaux étalons dans le stud-book et juger si les juments sont aptes à l'élevage.

Pendant deux jours les éleveurs les plus renommés font passer devant une commission étalons, juments et poulains pour examen. Les juments entre 3 et 10 ans passent sous les yeux des juges avec leur poulain. Les chevaux de plus de 10 ans participent à des concours d'attelage. Un rassemblement rondement mené, qui vise à valoriser la reproduction de la race. Nombreuses sont les qualités de ce cheval qui gagne à se faire connaître. Qui sait, peut-être en serez-vous les prochains ambassadeurs ?

Fiche d'identité du cheval Nonius

Taille : 155 à 165 cm.
Robe : Noir, bai foncé ou bai brûlé. BERCEAU | Le haras de Mezöhegyes,
à la frontière roumaine.
Morphologie : Tête un peu longue et convexe avec un front et des naseaux larges. Son encolure est arquée et forte, son garrot saillant et sa croupe puissante avec la queue plaquée. Ses membres sont secs, et ses sabots sont ronds et très solides.
Caractère : Docile et avenant, son calme, son courage et son endurance en font le compagnon de travail idéal.

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Cet article est paru une première fois dans le numéro 592 de Cheval magazine (mai 2021). Certaines données peuvent avoir évolué depuis.

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