Le rendez-vous des Jeux avec Pierre Durand 

Sacré champion olympique de saut d'obstacles en individuel aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 avec l'inoubliable Jappeloup, Pierre Durand sera aussi à ceux de Paris 2024. À Versailles, il fera partie des bénévoles, généralement appelés « volontaires », sans qui les Jeux ne pourraient se tenir. Il évoque les raisons qui l'ont poussé à endosser ce rôle. 

Avant d'évoquer ensemble votre implication en tant que volontaire pour les Jeux olympiques de Paris 2024, j'aimerais qu'on revienne sur ce rôle que vous avez endossé dans les vignes bordelaises, celui de porteur de flamme. Vous aviez déjà porté la flamme avant, mais l'aviez-vous déjà portée à cheval ? D'abord, je tiens à dire que c'est une haute responsabilité que celui de porteur de la flamme. J'ai eu l'occasion de l'accompagner deux fois et de la porter deux fois. La première fois, j'avais 13 ans et c'était pour les Jeux olympiques d'hiver de Grenoble. Je l'avais accompagnée parce qu'elle passait par la route nationale de mon village natal où étaient les écuries. J'étais aux côtés des porteurs de flamme mais je n'ai pas moi-même porté la flamme.
Je l'ai accompagnée également dans les mêmes conditions en 1992 pour les Jeux d'hiver d'Albertville. Cette même année, je l'ai portée sur les Champs-Elysées, du bas des Champs-Elysées jusqu'à la place de la Concorde. J'ai alors parcouru 400m, en courant. Mais j'étais jeune alors ça allait (rires). C'était un moment assez incroyable. Cette année, je l'ai portée à cheval, ce qui était une grande première. 

Le faire à cheval a-t-il une saveur particulière ?
C'était effectivement un plus de porter la flamme à cheval. Si cela s'est fait, c'est aussi parce que j'avais posé la condition que je ne porterais la flamme que si c'était à cheval. Je voulais rappeler à ceux qui l'oublient, et dans un contexte où on sait que l'équitation est regardée de près voire menacée dans le programme olympique, que le cheval est un olympien depuis la création des Jeux olympiques de l'antiquité. L'épreuve la plus populaire à l'époque était la course de chars.
Depuis, le cheval a toujours été des Jeux de l'Antiquité. Quand les Jeux se sont interrompus et qu'ils ont été recréés dans leur version moderne par Pierre de Coubertin, le cheval est tout de suite réapparu à l'égal de l'homme comme un athlète olympique. Pour moi, ce rappel n'était pas négociable. Ça ne s'est évidemment pas fait tout de suite. Mais ils ont fini par céder quand ils ont vu que j'étais déterminé à ne porter la flamme olympique qu'à cheval. 

Avez-vous ressenti une certaine ferveur lors de ce relais de la flamme ? 
Il n'y a pas eu la ferveur souhaitée malheureusement. D'ailleurs, ça a créé une frustration dans le village de Saint-Emilion parce que les organisateurs ont choisi un itinéraire qui, certes, donnait de belles images à la télévision, mais n'était pas accessible au public sur cette portion. Beaucoup de gens étaient venus pour voir la flamme à cheval. Par contre, le relais a été agréable sur un point. Il n'était que sur 200 m, mais comme il s'est fait au pas, très tranquillement, avec des arrêts pour prendre des plans de drone et des photos, ça a duré un gros quart d'heure. J'ai eu un port de flamme dont j'ai pu jouir parce qu'il était assez long.

Qui a choisi le cheval que vous avez monté ? 
C'est moi qui ai décidé, non pas du cheval mais du type de cheval. J'ai choisi un cheval qui était accoutumé à des spectacles équestres. Dans ma région, il y a une ville qui s'appelle Castillon-la-Bataille, où s'est déroulée la fin de la guerre de 100 ans. Tous les ans depuis 30 ans, il y a un spectacle de sons et lumières avec une cavalerie dont je suis le parrain. J'ai appelé le professionnel qui gère cette cavalerie pour lui demander un de ses chevaux. Ils sont habitués à galoper dans le bruit, le feu etc. Cependant, on a quand même du faire deux tests pour voir s'il restait serein. Le flambeau l'inquiétait un peu au départ, surtout quand on me le transmettait parce que son mode de combustion fait un peu de bruit. Au final, il s'est merveilleusement bien comporté. Il était idéal pour ce genre d'exercice. 

Pour le clin d'oeil à votre histoire, n'avaient-ils pas dans leur cavalier un petit cheval noir ? 
(rires) Non, il n'y avait pas de cheval noir. Et je dois dire que je n'en ai pas fait un critère. Le premier cheval qu'on m'a présenté, on m'a dit qu'il correspondrait parfaitement. Manque de chance, il était gris. Je devrais même dire blanc comme la tenue qui était la mienne. C'était d'ailleurs assez… virginal par rapport aux valeurs de l'olympisme, qui normalement doivent rester sacrées. Ce n'était finalement pas si mal esthétiquement parlant. Par contre pour le clin d'oeil, que certains ont remarqué, j'avais mis un tapis bordeaux qu'on m'avait offert après les Jeux olympiques de Séoul. Dessus, on peut lire « Jappeloup 1988 ». C'était la petite touche qui faisait que Jappeloup était un peu là aussi avec nous.

Vous avez également été retenu en tant que volontaire aux Jeux olympiques de Paris 2024 cet été. Quel rôle allez-vous occuper ? 
Je suis très fier de ce statut de volontaire parce que j'ai du passer le parcours de sélection de plusieurs mois et il n'a pas été évident. Je n'ai pas véritablement signalé mon identité. Justement, je voulais que ma candidature aboutisse grâce à d'autres critères que celui d'avoir été champion olympique. J'étais assez fier d'avoir réussi cette sélection. Ils se sont aperçu de mon identité avant le grand rassemblement des volontaires Porte Maillot, à Paris. 
Deux jours avant ce rassemblement, le directeur régional adjoint du COJO, que je connais, m'a dit « Mais Pierre, tu es bénévole… tu aurais pu nous en parler ! ». Je ne pouvais pas être à la réunion pour raisons professionnelles, alors il m'a demandé si j'autorisais Tony Estanguet (président du comité d'organisation des Jeux de Paris 2024, ndlr) a en parler. Ce à quoi j'ai dit oui parce qu'il n'y a rien de secret. 
J'ai appris que j'étais le seul champion olympique, mais pas le seul olympien, à être volontaire. Il n'y a qu'une petite dizaine de jours que j'ai su quelle allait être ma mission. Je savais que j'allais être aux sports équestres, mais pas plus. Je suis donc délégué aux relations avec les cavaliers et cavalières. J'attends une définition précise de mes fonctions, mais je pense par la dénomination que je serais là pour relayer les questions éventuelles de la part des cavaliers, de leur staff ou autre et les renseigner sur les informations qu'ils cherchent.

Pourquoi avoir décidé de donner votre temps pour ces Jeux ? 
Disons que c'est un peu dans mon ADN. J'ai été pendant dix-huit ans bénévole dans le sport en France. Puis, j'ai passé six ans à la FFE et j'ai ensuite fait près de deux ans à Ecurie France, qui était à l'époque la structure qui gérait les engagements en compétition et que j'avais informatisée. J'ai été président du CREPS de Talence, à côté de Bordeaux, pendant six ans, avant d'être président du CA de l'INSEP pendant six ans également. Tout cela fait plus de 18 ans au service du sport en tant que bénévole. 
C'est dans mon engagement et une tradition familiale aussi. C'est un prolongement assez naturel pour moi. Je ne pouvais pas me résigner à ce qu'il y ait des Jeux olympiques en France et que je n'en sois pas. J'ai fait mes premiers Jeux en tant qu'athlète en 1984, puis en 1988. Ensuite, j'ai été consultant pour Canal+ en 1992, 1996 (en parallèle de ma fonction de président de la FFE), 2000, 2004 et 2008. En 2012, j'y suis allé en tant que président de l'INSEP. En 2016, je n'étais plus président de l'INSEP mais le CNOSF m'avait sollicité parce que le Club France était dans un centre équestre. J'ai donc contribué aux négociations. 
Seule l'édition 2021 m'a manquée. J'ai aussi été membre de la délégation qui a reçu la commission d'évaluation des sites olympiques pour les JO, y compris du site de Versailles, qui ne tombait pas sous le sens au départ. Je ne voulais pas regarder les Jeux à la télévision donc, au cas où je n'aurais pas été retenu en tant que volontaire, j'ai acheté des places pour les finales du saut d'obstacles, par équipes et en individuel.

Depuis vos 13 ans, vous avez en quelque sorte toujours vécu avec les Jeux ?
On peut dire que c'est à l'âge de 13 ans que les Jeux sont entrés dans ma vie. J'y ai repensé après, parce que je ne me souvenais plus vraiment comme d'un fait marquant d'avoir accompagné la flamme olympique. Mais je pense que, quand même, ça m'a éveillé à ce qu'étaient les Jeux olympiques. J'avais suivi les Jeux de Grenoble à la télé avec de beaux succès des skieurs français. À l'époque, les Jeux d'hiver étaient la même année que les Jeux d'été. 
Quelques mois après ce sont tenus les Jeux d'été à Mexico en 1968. Là, je me suis vraiment intéressé aux Jeux et notamment à l'équitation. J'y suivais les cavaliers français et notamment mon idole, Pierre Jonquère d'Oriola, que je connaissais déjà un peu. C'est là qu'est né vraiment, en regardant les épreuves équestres, le rêve d'être champion olympique. À partir de ce moment là, ça ne m'a jamais quitté. J'ai les Jeux olympiques dans la peau depuis que je suis adolescent.

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