Le rendez-vous des Jeux avec Grégory Bodo

Pour ce nouveau rendez-vous des Jeux, nous donnons la parole au chef de piste français Grégory Bodo. Pour les Jeux olympiques de Paris 2024, c'est à lui que revient la tâche, en collaboration avec Santiago Valera Ullastres, d'imaginer le tracé mais aussi les obstacles qui orneront la piste de Versailles.

Vous allez officier en tant que chef de piste des épreuves de saut d'obstacles aux Jeux olympiques de Paris 2024 avec l'Espagnol Santiago Varela Ullastres. Quel sentiment avez-vous éprouvé lorsqu'on vous a annoncé que vous tiendrez ce rôle ? 
C'était bien sûr un immense bonheur. Je l'espérais au fond de moi évidemment, mais il ne faut jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, parce que vous pouvez vite redescendre sur terre. Bien entendu je m'y préparais parce que c'est un travail réalisé en amont. Vous n'êtes pas nommé sans le savoir. Il y a un dossier de candidature à déposer. La FFE, GL events et le club des cavaliers m'ont porté sur le devant de la scène pour dire que j'avais le potentiel, les compétences et le savoir pour prétendre à construire les parcours des Jeux. Mais ça ne veut pas dire que vous êtes le meilleur des candidats.
Je n'étais pas seul en lice. Il y a bon nombre de collègues plus âgés qui ont de la bouteille et qui ont déjà officié sur des grands championnats. Il y a eu des retournements de situation. La nomination a duré plus d'un an. À la fin, je n'étais même plus trop serein. 

« Me battre pour que ces Jeux soient les plus beaux qui aient existé »

Quand l'annonce est-elle tombée ? 
En décembre 2022, le 6 exactement. Je le prends comme une fierté et un honneur. Je sais d'où je viens, je sais rester modeste et remercier toutes les personnes et organisations qui m'ont permis d'avoir la chance d'être un des titulaires pour les Jeux olympiques. Quoiqu'on en dise, que ce soit pour un athlète ou un officiel, il n'y a rien qui peut se mesurer de plus noble, beau et élogieux que les Jeux olympiques. La résonance sportive est plus forte que sur les autres championnats parce qu'on n'est pas dans l'entre-soi. Ça ne vous arrive sans doute qu'une fois dans votre vie. Qui plus est à la maison.

Quelle dimension voulez-vous, à votre échelle, donner à ces Jeux ?
Ma volonté, c'est de me battre pour qu'ils soient plus beaux Jeux qui aient existé pour notre sport. Déjà, avec une toile de fond aussi idyllique que celle du parc du château de Versailles et l'histoire qui y règne, on ne peut pas rêver mieux. Ensuite, j'espère faire de cette volonté une réalité par le travail que vous allez découvrir au fur et à mesure des parcours : les obstacles, la décoration, la thématique. Je veux absolument que tous les éléments qu'on va réunir fassent que ce sont les plus beaux Jeux de visu mais aussi en termes de respect de l'animal.
Il faut axer les Jeux en priorité là-dessus, même si un accident peut toujours arriver et que le risque 0 n'existe pas. Je veux aussi mettre le bien-être en partie intégrante de ces Jeux, qu'on montre que les chevaux peuvent aussi se faire plaisir par rapport à ce sport. Ce sont des athlètes et non des animaux soumis. 

« La pression viendra probablement quelques jours avant l'événement »

Est-ce que les Jeux olympiques apportent plus de pression, ou l'abordez-vous comme un concours « normal » ? 
Ce ne sera jamais un concours normal, c'est évident. Je pense que la pression va augmenter quand on sera sur place. Il y aura la boule au ventre, l'effervescence aussi et le fait que vous voulez que tout se passe de la meilleure des manières et que vous avez hâte que ça démarre. Ça viendra probablement quelques jours avant l'événement. Le fait d'être en binôme avec Santiago permet d'être un peu plus relax. Nous partageons les responsabilités et il y a plus d'idées dans deux têtes que dans une. Santiago a de l'expérience, ce seront ses deuxièmes olympiades. Nous avons l'habitude de travailler ensemble depuis notre première fois en 2017. Donc pour l'instant, il n'y a pas véritablement de pression.

Le site de Versailles est un terrain inédit qui sort de terre spécialement pour les Jeux. Comment se projette-t-on sur un site encore en construction ?
Je l'ai vu à plusieurs reprises et à des moments différents, c'est-à-dire quand il y a eu un état d'avancement des travaux. C'est bien plus facile de se projeter. On sait comment il était à l'origine et on voit quelle a été la métamorphose sur quelques mois. On sait à peu près où positionner tous les éléments. Bien sûr, ce n'est pas le rendu final. Mais on a des informations telles que la dimension de la piste, le positionnement des obstacles... Pour nous c'est amplement suffisant. Après, il faudra fignoler sur place.

« Tout est imaginé et pensé par les chefs de piste »

Quel est le processus de validation des parcours ?
Avec Santiago, nous avons carte blanche tant que nous restons dans le cadre réglementaire évidemment. Ce qui fait la beauté de notre activité dans ce sport, c'est la liberté et la marge de manœuvre qui nous permettent d'être les seuls décisionnaires en terme de tracé, de choix du thème, des obstacles et ce qu'ils vont représenter, les couleurs, la décoration, là où on va les implanter etc. Lorsque les parcours sont terminés, nous les soumettons au délégué technique qui a été nommé par la FEI et qui est un peu son représentant. En général, sauf erreur, le délégué technique suit à peu près ce que le chef de piste soumet. 

Santiago et vous êtes donc aussi en charge du dessin de l'ensemble des obstacles ?
Exactement. Les thèmes, les dessins et tout ce qui s'en suit sont faits par les chefs de piste. Bien entendu, l'organisateur, qui ici est le Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO), doit tout approuver. L'argent provient aussi de cette corporation, donc ils sont aussi décisionnaires. Ils ont un droit de regard et peuvent dire qu'ils ne veulent pas de telle ou telle chose sur la piste des Jeux parce que ça n'est pas dans l'ADN des Jeux de Paris. Il y a eu des modifications, très peu, mais il y en a eu. Tout ça au départ était voulu, pensé, imaginé par les chefs de piste. 

« Le parc d'obstacles devrait arriver en France fin juin/début juillet »

Entre votre nomination le 6 décembre 2022, et maintenant. Quelles ont été les étapes de l'élaboration des parcours ?
Ce qu'il faut savoir, c'est que la nomination est survenue tardivement. Normalement, on connait le chef de piste deux ans avant les Jeux. Le report des Jeux de Tokyo a tout décalé. On l'attendait en mars 2022 environ et on l'a eu en décembre. On a commencé à se mettre au travail sur les obstacles début 2023 et le COJO a validé les planches de tous les obstacles en octobre 2023. La production des obstacles a commencé en fin d'année 2023. Le parc devrait arriver aux alentours de fin juin/début juillet en France. 

Après les Jeux, que deviendra ce parc d'obstacles ? 
Comme tout gros événement, des organisateurs vont se précipiter pour acheter quelques obstacles. On pourrait ainsi en retrouver à Aix-la-Chapelle, Calgary, Genève, sur les terrains américains… Une partie du parc se vendra sans aucun problème. L'autre partie rentrera de nouveau chez le constructeur, qui pourra être propriétaire de certains obstacles. Ensuite, il peut le vendre à qui de droit ou le louer.

Retrouvez toutes nos actualités sur Paris 2024 dans notre rubrique dédiée.

×