Astier Nicolas : « Pour les Jeux, tout repose désormais sur les épaules d'Alertamalib'Or »

Jusqu'alors prétendant à une sélection pour les Jeux olympiques de Paris avec Alertamalib'Or et Babylon de Gamma, Astier Nicolas a dû se résoudre à retirer ce dernier de la course à l'Olympe. Au Master Pro de Vittel, le double médaillé des Jeux olympiques de Rio s'est livré en toute sincérité sur le retrait de son hongre de 14 ans. Il est également revenu sur les changements survenus dans le fonctionnement de son système après Rio. 

Les Jeux olympiques de Paris sont dans presque un mois jour pour jour. Comment allez-vous ?
Pour ma part, ça va très bien, j'ai obtenu toutes mes qualifications et abattu toutes mes cartes. Je suis en position d'attente. 

L'attente est-elle difficile ? 
Non parce que c'était une saison extrêmement exigeante, je devais faire cinq résultats qualificatifs sur deux chevaux différents (trois pour Alertamalib'Or et deux pour Babylon de Gamma, ndlr) en moins trois mois, entre la fin mars et la mi-juin. Ça demandait beaucoup de concentration mais j'ai fait mon travail.

« Pas le droit à l'erreur »

Trois mois, c'est très court pour réaliser trois sorties qualificatives en concours complet avec un même cheval. Il y a très peu, voire aucune marge d'erreur. Avez-vous ressenti une pression supplémentaire vis-à-vis de ce timing serré ? 
Ça en rajoute une, mais je dirais que j'ai réussi à éloigner cette pression parce que je connais bien mes chevaux. C'est une pression similaire à celle de rentrer sur un parcours d'hippique en étant premier au provisoire. Si tu n'es pas sûr de ton coup, que tu ne connais pas bien ton cheval ou qu'il n'est pas fiable, il y a forcément plus de pression. Là, ce sont deux chevaux que je connais sur le bout des doigts. Je les ai débourrés tous les deux. Ils sont arrivés chez moi lorsqu'ils avaient 3 ans et 2 ans, on est un peu comme de vieux amis. Je n'avais pas le droit à l'erreur, c'est vrai, je n'avais pas de qualification « de rechange », notamment avec Mitch (surnom d'Alertamalib'Or, ndlr).

« Je dois respecter Babylon »

Donc tout va bien de votre côté. Et de celui de vos chevaux ? 
Ils vont tous bien, sauf que Babylon a été évincé de la sélection olympique. Il y a un petit hic. Comme tout le monde le sait, il a déferré à Marbach et malheureusement c'est le pied sensible pour lequel il avait été arrêtée l'année des Jeux de Tokyo qui a déferré. Mon équipe et moi, et par là j'entends mes entraîneurs, mes propriétaires, mon vétérinaire et mon maréchal, étions optimistes quand à la possibilité pour lui d'être à 100% pour les Jeux de Paris. Finalement, il se trouve que le timing ne sera pas parfait. Je ne veux pas l'emmener si les conditions ne sont pas idéales. Je dois respecter mon cheval et respecter le plan prévu par Thierry Touzaint pour la préparation de l'équipe. Donc nous le retirons. Tout repose sur les épaules de Mitch désormais.

Mitch justement a fait un très bon début de saison (huitième dans le CCI4*-S de Kronenberg et deuxième sur le CCI4*-L de Saumur, ndlr). Malheureusement à Luhmühlen vous accusez deux barres sur l'hippique. Comment expliquez-vous ces fautes ? 
Ces deux barres sont le bémol. Elles ne tombent pas au meilleur moment, j'aurai préféré qu'il les fasse en début de saison. Je sais que ces barres sont dues à des petits changements ou détails que j'ai réussi à identifier, un élément matériel qu'il m'a manqué par exemple. Mitch a manqué un peu d'explosivité en fin de parcours. Je sais ce que je peux lui apporter de plus après le cross pour que ça ne se reproduise pas. Je ne suis pas inquiet et j'espère que Thierry ne l'est pas trop non plus.

« Le programme s'articule autour des formats longs »

Vous avez fait le choix de les qualifier sur des concours différents. Est-ce une stratégie de répartir vos cartes pour ne pas vous retrouver démuni en cas d'annulation d'un événement par exemple ou tout simplement le choix du terrain le plus adapté à chaque cheval ? 
Ils ont fait le même concours de rentrée à Kronenberg en mars (le CCI4*-L pour Babylon, qu'il gagne, et le CCI4*-S pour Alertamalib'Or, ndlr). C'était visé parce qu'on sait que les infrastructures permettent de faire du concours par tous les temps. Le cross est un peu comme à Verrie, c'est un terrain d'hiver, 100% en sable, donc plus il pleut, plus il est stabilisé. Ensuite, Mitch a fait un format long à Saumur.
D'ailleurs, on avait fait des plans au début de l'année et, avec Michel Asseray (DTN adjoint de la discipline, ndlr), il y a une subtilité du règlement qui nous a induis en erreur sur le système de qualifications. Nous pensions que Babylon serait qualifié après Kronenberg et Mitch après Saumur. Ce n'était pas le cas, il leur fallait chacun un parcours de plus. J'aurais procédé différemment si j'avais réalisé cela avant afin de les qualifier le plus tôt possible parce que c'est autour des formats longs que s'articule le programme. 

« Essayer de systématiser la performance »

Il y a huit ans déjà, vous viviez vos premiers Jeux olympiques et vous décrochiez l'or par équipes et l'argent individuel. Qu'est-ce qui a changé en huit ans pour vous ? 
Rio, c'était de l'équitation. Maintenant, c'est un système plus professionnalisé que ce que j'avais avant Rio. Ma création de performance découle d'un système alors qu'au début de ma carrière, c'était plus à l'inspiration, au couple qu'on formait avec Piaf de B'Neville. Depuis Rio, je me suis attelé avec plus ou moins de facilités et de difficultés à pouvoir avoir des chevaux qualifiés et sélectionnables pour cette échéance. Il ne s'agit plus de laisser ça au flot naturel des choses mais essayer de systématiser la performance pour être en mesure de ramener des médailles à une échéance choisie. 

Vous n'aviez que 27 ans lorsque vous êtes allés à Rio et vous en rameniez deux médailles alors que vous étiez encore au tout début de votre carrière. Avez-vous eu ce « down » que certains sportifs disent avoir après les Jeux olympiques ?
Non, je ne l'ai pas eu. J'ai eu une période « down » à cause de blessures de chevaux, d'une présence moindre à haut niveau qui est arrivée deux ans après environ. J'en suis sorti aujourd'hui mais elle était un peu longue. Par contre, j'ai connu des cavaliers de saut d'obstacles ou même des coéquipiers, comme Karim (Laghouag, médaillé à l'époque en or par équipes avec Entebbe de Hus, ndlr), qui ont ressenti le besoin de partir au vert, en famille, de s'isoler juste après les Jeux. Moi, au contraire, ça m'a plutôt boosté. En rentrant, je n'avais qu'une envie, c'était d'aller au Haras du Pin pour en découdre alors que c'était huit jours après Rio. Je pense que si je vais à Paris, j'aurais une réaction différente. J'aurais besoin de respirer un coup plutôt que d'y retourner tout de suite.

« Aujourd'hui, j'aurais une manière différente de capitaliser sur une médaille olympique »

Pourquoi ressentirez-vous ce besoin maintenant ? 
Je pense que j'ai dû déployer moins d'efforts pour faire Rio que j'en déploie aujourd'hui pour faire Paris. Les choses étaient assez logiques et alignées. Ça n'enlève pas de mérite, mais c'était plus évident. Le cheval allait bien, il était performant une fois, deux fois, trois fois… La sélection arrive, il est toujours en pleine forme, tu vas aux Jeux, tout se passe bien. Là, entre les chevaux qui étaient blessés l'an dernier, les qualifications à obtenir, l'âge qui avance… Mine de rien, la saison n'est pas exigeante que de par les chevaux que tu amènes aux Jeux. Tu as l'écurie derrière, j'ai un plus gros système à gérer aujourd'hui que ce que j'avais il y a huit ans. Avant, je gérais un peu plus du bout des doigts, maintenant, je suis plutôt à bras le corps. Mais c'est normal, ça fait partie du développement. 

Il y a quelques temps, vous aviez déclaré dans la presse que vous pensiez que les répercussions consécutives à ces médailles seraient plus nombreuses que ce qu'elles ont réellement été. À quelles répercussions vous attendiez-vous ? 
Peut-être d'avoir plus de chevaux, de durabilité, mais je ne le reproche pas à la vie et au destin. Si j'avais la même chance aujourd'hui, je pense que j'aurais une manière d'utiliser ces médailles et d'agir un peu différente. Ce n'est pas facile de s'entourer des bonnes personnes pour valoriser des performances de ce type dans un sport qui peine à être professionnel. On est plutôt des professionnels de la vente de chevaux, le sport ne nous fait pas vivre. Ce n'est pas évident de trouver les bons leviers. Je ne peux pas, du jour au lendemain, endosser également les rôles de RP, agent, communicant, tête de gondole, égérie… (rires)

« Les Jeux olympiques sont l'évènement numéro un »

Ces moindres répercussions ont-elles changé votre vision de l'olympisme et des opportunités que les Jeux amènent pour un sportif ? 
Non, je pense que les Jeux olympiques sont l'évènement numéro un pour développer son image, son activité et son entreprise, et ce malgré les difficultés que j'ai eues. Même si je pensais que ça amènerait plus de répercussions, ça m'a quand même amené de belles opportunités. Je suis dans une meilleure situation aujourd'hui que si je n'avais pas obtenu de médaille. Je sais quelles sont les choses que j'ai moins bien faites à l'époque, mais je dois avouer que si demain je vais à Paris et qu'une autre médaille arrive, je sais qu'il me manque encore un agent ou quelqu'un pour m'aider dans l'exposition médiatique.
Disons que je sais ce que je ne veux pas, ce que je cherche, mais je n'ai pas trouvé. Je pense que si j'ai la chance d'avoir de belles performances, sachant que je sais ce qu'il faut, ça sera plus facile à trouver. Mais je n'ai pas encore ça dans ma poche. Et en même temps, j'en ai moins besoin dans l'immédiat qu'après d'éventuelles médailles.

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